Jean-Baptiste Thorel

L'aventure de Thorel et la renommée de ses pâtés
Sans Jean-Baptiste Thorel (1787-1871), cuisinier soldat des armées napoléoniennes, nul doute que la réputation de Ruffec pour ses pâtés de perdreau truffé n'aurait atteint la cour des plus grands de ce monde.
Jean-Baptiste Thorel (1787-1871) fut soldat au 1er Carabiniers du 23 février 1807 au  22 octobre 1811. Il lui fut décerné la Médaille de Sainte-Hélène.


Le journal  l’Avenir  révèle en 1953 qu’en 1802 (1), M. Thorel, cuisinier de Napoléon 1er (en réalité ordonnance ou estafette du Général Laroche), se retire à Ruffec et crée une fabrique de pâtés : "Il avait acheté une ancienne hostellerie (2) qui était un relais de poste sur la route qui menait à Bordeaux et en Espagne" (depuis 1760 car avant cette route passait par Villefagnan : voir plus bas).
(1) En fait en 1816, et Thorel n'est pas cuisinier de Napoléon, mais l'auteur de l'article enjolive cette belle histoire.
(2) Il n'avait acheté que l'hôtellerie ; le relais de poste était propriété de la famille Frère qui le cèdera à la commune pour en faire une école.
 
 

Le Général Laroche 1775-1823
 
Le pâtissier de Ruffec, Thorel passe la Bérézina
«... Puis vint la lugubre retraite (de Russie) avec son cortège de misère et de douleurs : la faim, le froid, la mort sans pitié pour le blessé qui tombe, et par derrière, incessants , innombrables, les cosaques et les vautours. Les carabiniers, déjà bien affaiblis par les combats meurtriers auxquels ils se sont dévoués, prennent le rang de bataille qui leur est assigné ; mais bientôt, travaillés par les causes de dissolution qui dévorent cette malheureuse armée, on les voit diminuer chaque jour.
Cependant le colonel (Laroche ?) s'y lance monté sur son cheval. Il est suivi de son jeune frère, grièvement brûlé à l'incendie de Moscou, et qui ne peut encore se soutenir ; de Thorel, soldat à son régiment, son fidèle et dévoué serviteur pendant dix ans (1) ; de de Lompré, aussi de Ruffec, alors maréchal des logis chef aux carabiniers, et qui peu après fut aide de camp du général Laroche. Les trois premiers passent sur leurs chevaux, tantôt marchant, tantôt nageant ; quant à de Lompré, il est démonté, et passe cette eau glacée ou à la nage, ou accroché aux chevaux pendant l'espace de plus de cent mètres. Enfin le ciel prend en pitié tant d'efforts et de souffrances, et le soir ils rejoignent les bivouacs de la grande armée qui, faible et presque éteinte, vient encore de faire sentir le poids de son bras et de son courage aux trois armées russes réunies, mais impuissantes à l'arrêter.
(1) C'est le même qui fonda à Ruffec, comme maître d'hôtel, un établissement en grande réputation, surtout à l'époque de la prospérité de la route de Paris à Bordeaux. Il est aujourd'hui un des derniers survivants (peut-être le seul) du Ier carabiniers qui ait assisté à toutes ces scènes héroïques. Il était arrivé au régiment à peu près en même temps que M. Laroche ; il ne quitta celui-ci qu'à la fin de 1815.
Source : Bulletin de la Société archéologique et historique de la Charente - Page 83 - (1865) ; et "Un siècle de chroniques ruffécoises (1835-1938)" par Henri Gendreau et Michel Régeon (page 229).

Ce lien culturel pour en savoir plus sur la Bérézina grâce à un spécialiste...

Passage de la Berezina par l'armée française.

La Berezina est une rivière de Biélorussie, affluent du Dniepr (rive droite) ; 613 km.Fin novembre 1812, les débris de la Grande Armée, poursuivis par les Russes, abordent la Berezina, soudain dégelée. Trompant l'ennemi sur le point de passage, Napoléon fit jeter deux ponts de chevalets sur la rivière. Pendant vingt-quatre heures, nuit et jour (25-26 novembre), les pontonniers du général Éblé travaillèrent dans l'eau glacée. Beaucoup en moururent, mais les Français purent passer (27-29 novembre).


Un peu de généalogie
Cette famille Thorel est parfois confondue avec une autre dont un membre éminent s'appelait aussi Jean-Baptiste Thorel, homme de loi, député sous la Révolution dont voici la fiche à l'assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=15401

Le cuisinier Thorel
"Les Thorel étaient originaires de Conty (80) ; le grand-père, Pierre-Joseph, né en 1715 à Conty était "garde des plaisirs du Roy" ; son fils, Jean-Baptiste  (le 1er) (1748-1820) a été orfèvre, marchand de vin et cabaretier, il épousa Marie-Marguerite Brésillion de Blanc-Mesnil (95) d'où notre Jean-Baptiste (1787-1871) né le 29 mars 1787 à Blanc-Mesnil." expose Jean-Louis Carde apparenté aux Pinet et Thorel. 
Jean-Baptiste Thorel (1) est né le 29 mars 1787 à Blanc-Mesnil (93) de Jean-Baptiste Thorel (orfèvre, marchand de vin et cabaretier) et Marguerite Brésillon, il est décédé à Nouzières près de Ruffec le 25 mai 1871 à 84 ans.
"Blanc-Mesnil était autrefois en Seine-et-Oise, mais se trouve aujourd'hui en Seine-Saint-Denis (93)" nous précise justement Jean-Pierre Ferrand. 
Jean-Baptiste Thorel (qui demeure alors à Angoulême), épousera le 16 décembre 1816 à Ruffec, Catherine Pinet (2) née à Vicence ou Vicenza (Royaume de Lombardie) le 6 décembre 1797 pendant la campagne d'Italie (décédée à Ruffec le 29 mai 1874), dont le père était cabaretier à Ruffec (elle avait un frère, Philippe né en 1797 (3)). Un contrat de mariage est établi chez  Pinoteau, notaire à Ruffec, communauté de biens par moitié  réduit aux acquêts, les futurs époux apportent chacun 3.000 fr. (dote personnelle pour lui, dote et avancement d'hoirie pour elle).
(1) JB Thorel était dit ( estafette ou ordonnance) au service  du colonel Laroche (général ensuite) pendant environ huit ans avant de devenir aubergiste au retour des campagnes napoléoniennes.
(2) Catherine Pinet, née à Vicence (Royaume de Lombardie)  le 6 décembre 1797 serait peut-être selon certains la fille d'une cantinière. 
(3) Philippe Pinet , originaire d'Availles-Limousine avait épousé Brigitte Navarre originaire de Cambray (59) où son père, soldat (puis probablement officier), était en garnison au régiment de Neustrie (régiment de l'ancien Régime) et qui est donné comme chevalier de St-Louis. Brigitte, fille de militaire,  était sans doute elle-même employée aux armées  (peut-être cantinière). Philippe Pinet, qui fut armurier puis marchand de vin, s'installa, au retour des campagnes napoléoniennes, comme marchand cafetier et tint le fameux Café de la Comédie, à Ruffec, repère des Bonapartiste et qui fut le théâtre de plusieurs affaires.

Ode à l’aubergiste
C'est un principe avoué et reconnu par tous les vrais gourmands, que l'on ne saurait bien manger lorsque l'on mange seul. Entrez chez le plus fameux restaurateur ; observez trente personnes qui dînent à trente tables isolées, et vous ne remarquerez sur le visage d'aucun cette joie pure, cette douce hilarité qui doit se peindre sur toute face gourmande pendant l'exercice des fonctions dégustatrices; chacun a plutôt l'air de prendre en hâte une indispensable réfection que de faire avec réflexion et maturité un bon dîner.
Il en est à peu près de même de tous les plaisirs que l'on se procure en ce bas-monde ; il faut être au moins deux pour les bien goûter ; et il en est tels qui ne sont jamais plus vifs que lorsqu'ils sont partagés avec un très grand nombre de personnes. Le meilleur spectacle, le concert le plus harmonieux, le discours le plus éloquent ne vous fera qu'un plaisir médiocre si la salle est déserte : chaque spectateur est pour son voisin un spectacle : on s'électrise réciproquement, et les émotions ne sont jamais plus vives que lorsqu'elles sont ressenties par une grande multitude.
Il en est de même à table ; à chère égale, à service égal, plus elle est nombreuse, et plus on mange : l'appétit se développe par l'exemple ; une sainte émulation s'empare des convives, et la conversation, qui fait couler les heures, fait aussi digérer les morceaux. On ne craint point de paraître un gros mangeur quand tous les appétits sont à l'unisson ; et tel convive qui, s'il était seul, mangerait à peine un poulet, encouragé, enhardi, aiguillonné, stimulé par ses voisins, dévore un aloyau sans presque s'en apercevoir.
Source : Journal des gourmands et des belles, ou, L'épicurien français, Alexandre-Balthazar-Laurent Grimod de La Reynière - 1807

 


Thorel s'installe à Ruffec
En 1816 donc, après une année passée dans une auberge à Angoulême où certains pensent qu'il a déniché des secrets culinaires, Jean-Baptiste Thorel s'installe à Ruffec
et fonde une fabrique de pâtés. Peu à peu, il établit une auberge dans l'ancienne hôtellerie du relais de poste (auberge attestée dès 1820), se lance dans le foie gras (recette d'Alsace), et fabrique des terrines de foie gras d'oie, des galantines au foie gras (le foie gras remplace le perdreau). A noter que les oies du pays sont nourries au maïs de Ruffec.


En 1820, Jean-Baptiste Thorel était dit aubergiste. Un fils, Jean-Baptiste Henri Thorel, naîtra à Ruffec le 28 juin 1820 mais il décédera en 1860 à Ruffec laissant une descendance. Ce fils, aussi maître d'hôtel, résidant en sa maison grande route de Paris à Bordeaux n°6, épousera Zuliéma Charlotte Radegonde Moreau née en 1827. Ils auront une fille, Marguerite Marthe, née à Ruffec le 12 septembre 1853 et décédée à Paris le 3 mai 1947.

Vers 1820-1830, Jean-Baptiste Thorel achète donc  l'hostellerie du relais de poste qui se situe (côté hôpital) sur le bord de la route royale n°10 et jouxte le relais de poste ; il crée (construit) et fait reconnaître son auberge par les bons guides : cet établissement sera baptisé l'Hôtel de la Poste. Jean-Baptiste Thorel exporte massivement sa production par le canal de la malle-poste (un neveu Pinet étudie à Paris et y fait l'article).
Le recensement de 1841 nous montre qu'en ce lieu la famille Thorel se compose du chef, l'aubergiste Jean-Baptiste Thorel ; de sa femme Catherine Pinet et de sa belle-mère, Brigitte Navarre veuve Pinet ; des deux fils Jean-Baptiste Henri et Louis Adolphe ; s'ajoutent 4 domestiques.

Le relais de poste appartient à la famille Frère qui le gère jusqu'en 1853.


La maison Thorel est réputée
En 1852, Jean-Baptiste Thorel, ancien conseiller municipal sous la IIe République, est membre de la commission municipale provisoire.

Jean-Baptiste Henri Thorel, fils aîné, naîtra à Ruffec le 28 juin 1820 où il décédera le 12 décembre 1861 laissant une descendance (il apparaît sur le recensement de 1861). Ce fils sera maître d'hôtel à la suite de son père, il résidait à l'hôtel de la Poste, route de Paris à Bordeaux, n°6 ; il épousera Zuliéma Charlotte Radegonde Moreau née en 1827. En 1851, au recensement les enfants de ce couple sont : Georgette, 5 ans, née en 1846 à Ruffec (décédée en 1852 à Ruffec) ; Baptiste, 3 ans (décédé ?) ; Marie, 1 an, née en 1850 et décédée aussi en 1852 à Ruffec. Puis viendra Marguerite Marthe née le 12 septembre 1853 à Ruffec et décédée à Paris le 3 mai 1947. Elle semble être la seule des enfants à avoir survécu.

L'autre fils, cadet de Jean-Baptiste Henri Thorel, Louis Adolphe Thorel (né en 1821, décédé en 1902) vit en 1841 à Ruffec et est dit surnuméraire de l'aubergiste (de son frère aîné donc). On ne le retrouve plus sur les listes de recensement par la suite. Marié en 1863 à Alençon, sous-intendant militaire, il deviendra juge et président du tribunal civil de la Seine. Louis Adolphe Thorel est dit décédé à Paris en 1902. Il a pour descendance Georges Thorel (1863-1950).

Retirés à Nouzières
En 1851, Jean-Baptiste Thorel et son épouse se sont retirés au village de Nouzières commune de Ruffec. Louis Adolphe Thorel n'apparaît plus sur les listes de recensement. En 1861, les parents sont inscrits sur la liste de recensement à Ruffec avec leur famille. François Robin est chef de cuisine avec 5 domestiques. L'aîné des fils Thorel, Jean-Baptiste Henri Thorel est alors âgé de 41 ans, mais il va décéder le 12 décembre 1861 à Ruffec. Ni son frère, si son épouse lui succéderont directement, et entre 1861 et 1872 il n'y a pas de recensement pour nous éclairer sur le nom du maître d'hôtel en place.

Jean-Baptiste Thorel avait acquis une propriété au village de Nouzières, commune de Ruffec (c'est là qu'il décédera en 1871). Le 6 juin 1847 est passé avec Louis Gilard, cultivateur, et Marie Gire sa femme, en l'étude de Maître Brumault de Montgazon (qui fut maire de Ruffec) un bail à moitié concernant ce domaine de Nouzières.

Après la mort de Jean-Baptiste Thorel survenue en 1871, le nouveau maître d'hôtel sera Jean Baptiste Deschandeliers dont la fille épousera en 1889 Amédée (dit Charles) Claudot, lequel donnera à l'établissement le nom d'Hôtel de France vers 1890. En 1929, l'hôtel est acheté par les Rouillon.
 


RUFFEC (Charente), Ruffiacum. Pop. 3.100 hab.
Hôtels : de la Poste, établissement renommé pour les pâtés de foies gras truffés, de perdreaux , de chapons, dont il fait des envois considérables ; des Ambassadeurs, bonne maison.
Cette petite ville est située sur le ruisseau du Lieu, qui abonde en excellentes truites saumonées. Tribunal de première instance, sous-préfecture, bains public.  Elle est bien bâtie, bien percée et d'un aspect très pittoresque.
Curiosités : la place d'Armes. le Dauphin, où se sont tenus plusieurs conciles et synodes ; l’église, édifice très-ancien, d'une architecture remarquable, et dont le portique date du XIe siècle; les ruines de l'ancien château des comtes de Broglie.
Commerce : grains, bétail, fromage, marrons. Les environs produisent d'excellentes truffes, et on y fait des fromages à la crème d'un goût délicieux. 
(Source : Guide classique du voyageur en France - Jean-Marie-Vincent Audin – 1849).
On fait le trajet de Tours à Ruffec en 12 heures, ainsi que de Bordeaux à Ruffec.


Ruffec ville de gourmets
Louis Babaud-Laribière dans le premier volume de ses «Lettres charentaises» paru en 1865, note à la page 167 : 
« …il ne faut pas oublier la brasserie de Ruffec, dont les produits commencent à s’exporter en Limousin ; la fabrication des fromages et l’industrie florissante et déjà ancienne des conserves et pâtés aux truffes... 
C’est par milliers que les terrines partent chaque année pour toutes les directions de la France et de l’étranger, et sur ce point, Ruffec rivalise sans désavantage avec les meilleures maisons d’Angoulême et du Périgord ».
Ces terrines dont la recette figure plus haut étaient en terre (XIXe)  et pouvaient se conserver plusieurs mois. A l'intérieur, de la galantine de perdreau (perdrix de moins de 8 mois).

Prix moyens des produits divers de la pâtisserie (1856)
Le prix en gros des pâtés et terrines de foies gras truffés de Strasbourg, ressort à Paris à environ 6 fr. le kil. ; le prix payé par le consommateur est de 8 fr. pour la même quantité.
Les pâtés et terrines de gibier truffés de Ruffec, Angoulême et Nérac, sont d'une valeur à peu près double.
Ainsi un pâté de Ruffec contenant un demi-perdreau rouge truffé, et pesant 750 gr. seulement, revient à Paris à 11 fr. 50 c., et se vend 15 fr. ; c'est 15 fr. 33 le kil. en gros, et 20 fr. en détail. Il est vrai que la cherté du gibier augmente en ce moment le prix de ce produit, de 1 fr. au moins par pâté.
Source : Les consommations de Paris - Page 313 Armand Husson – 1856.

 




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