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C'est la situation géographique de Ruffec où s'est installé un relais de poste aux lettres à partir de 1763 qui a permis de lancer la renommée gastronomique de cette petite ville d'Angoumois (et de Charente ensuite), grâce à ses grands hôtels : l'Hôtel de la Poste futur Hôtel de France, et l'Hôtel du Lion d'Or futur Hôtel des Ambassadeurs. Une renommée qui ne se serait pas faite sans Jean-Baptiste Thorel, ancien grognard marié en décembre 1816 à Ruffec et patron de l'Hôtel de la Poste, ni sans un puissant réseau local de vétérans de la Grande Armée. D'où cette page sur l'histoire de la route postale de Paris en Espagne.
Poste aux lettres pour ceux qui ont du courrier à faire transporter, le roi et les administrations en premier lieu...
Poste aux chevaux pour ceux qui veulent voyager vite, établissement de chevaux, placé de distance en distance. Chevaux de poste. Chaise de poste. On a établi des postes sur telles et telles routes. Maître de poste. Maître de la poste de tel endroit. La poste aux chevaux. Il se dit aussi de la manière de voyager avec des chevaux de poste. Prendre la poste. Aller en poste. Voyager en poste. On dit de même, courir la poste, courir sur des chevaux de poste, ou en chaise avec des chevaux de poste.
Point n'est besoin de réécrire l'histoire générale, pour en savoir plus il pourra être utile de consulter ces sites internet dont les liens sont établis ci-dessous.
Résumé de l'histoire de la poste pour ceux qui veulent aller galoper...
1464, Louis XI établit les postes en France. Créées pour le service du roi mais les particuliers furent bientôt autorisés à confier leurs missives aux courriers de l'Etat, soit à des estafettes qui les enfermaient dans leur portemanteau (poche en cuir attachée à la selle du cheval), soit en raison de l'augmentation des plis, à des courriers qui desservaient les routes principales en voiture.
1575, le roi autorise l'établissement de coches par eau et par terre. Puis est créée la poste aux lettres administrée par des financiers.
1597, Henri IV rend les coches plus confortables mais pas plus rapides : les hommes jeunes préfèrent aller à cheval.
1630, Richelieu établit, sur de nouvelles bases, la poste aux chevaux avec les maîtres de poste pour les voyageurs et les marchandises : il la mit à la disposition du public et fonda la poste aux lettres en créant le maître des courriers.
1672, fut créée la Ferme Générale des Postes; on enlève aux messageries le droit de transporter des lettres ; contre le paiement d'un bail, les fermiers des postes ont ainsi une charge lucrative.
1676, Louvois, surintendant général des Postes, réunit les différentes organismes de la poste aux lettres en une seule administration.
1681, les relais de poste ne pouvaient être établis sans l'autorisation du Surintendant Général des Postes.
1695, les premiers bureaux de poste aux lettres sont ouverts près des Halles à Paris.
1719 et après, les messageries (entreprises de voitures publiques) furent seulement autorisées à transporter les paquets de moins de 25 kg et les voyageurs.
1759, Choiseul, surintendant général des Postes, instaure le système des diligences.
1787, poste aux chevaux et poste aux lettres sont réunies.
Dans la nuit du 4 août 1789, on abolit tous les privilèges ; ceux des maîtres de poste suivirent ceux de la noblesse et du clergé et la ruine s'abattit sur les relais. En outre, les gages des maîtres de poste créés par un édit de 1713 et leurs indemnités furent supprimés par un décret du 19 juin 1790. Les maîtres de poste, du moins pour la plus grande partie, abandonnèrent alors leurs relais. Divers essais de réorganisation furent tentés sans grand succès jusqu'à l'accession des messageries à la liberté en l'an VI. Et c'est la loi du 19 frimaire an VII (9 décembre 1798) qui fixa la nouvelle législation de la poste aux chevaux et définit nettement son rôle et son organisation. Mais son article 5 introduisait une exception au monopole des relais concernant les voitures publiques et le transport des dépêches qui était si large qu'il fallut la restreindre. Ce fut fait par la loi du 15-25 ventôse an XIII (6-16 mars 1805). Elle ordonne que tout entrepreneur de voitures publiques et de messageries qui ne se sert pas des chevaux de la poste est tenu, par poste et par cheval attelé à chacune de ses voitures, de verser 25 centimes aux maîtres des relais dont il n'emploie pas les chevaux. Ce principe fut conservé jusqu'à la disparition de la poste aux chevaux en 1873.
1797, à la suite de l'édit de nivôse an VI, la régie des messageries nationales fut abandonnée aux citoyens sous contrôle de l'État.
1798, le Trésor Public perçoit 1/10 du prix des places.
1801, un arrêté du Consulat réaffirme le monopole de l'État sur les Postes. Les trajets font l'objet de cartes.
1804, le premier directeur général des Postes met en place le service des estafettes.
1818, sont créés des bureaux de distribution.
1827, les deux services publics, poste aux chevaux et poste aux lettres sont réunis dans la même administration.
1832, une terrible nouvelle circula dans les relais : le premier essai de traction à vapeur avait donné lieu à une performance de 12 km/heure.
Le prix d'une lettre de Paris à Marseille équivaut à une demi-journée de travail d'un ouvrier.
1849 apparaît le premier timbre-poste à l'effigie de Cérès, symbole de la république. Il est toujours à la charge du destinataire.
1864, le directeur des postes souvent le seul employé, est appelé receveur.
1873, la suppression des lignes et relais de poste est définitive.
Les privilèges des maîtres de Poste Les maîtres de poste jouissaient aussi de l'exemption de la contribution aux tailles. Pierre Poictevin, propriétaire de l'office de maître de poste établi pour le service du roi à Villefagnan, dit que par la déclaration de Sa Majesté du 15 mai 1654, vérifiée en la Cour des Aides le 15 juin suivant, les maîtres de poste du royaume auraient été maintenus dans la jouissance des privilèges et exemptions attribués à leur office et dont ils avaient précédemment joui, nonobstant l'article 20 de l'Edit du roi, du mois de janvier de la même année ; sur sa requête, les élus par sentence du 10 juillet 1654, ordonnent l'enregistrement à leur greffe de la déclaration royale du 15 mai et défendent aux habitants de Villefagnan de troubler le suppliant dans la jouissance de ses droits et exemptions.
Chemins publics (Gervais 1725) Les chemins ne sont pas trop praticables pour les voitures, par terre, en Angoumois, à cause que le pays y est assez pierreux et communément montueux. L'usage des chariots attelés de chevaux n'y est presque pas connu, et des mulets encore moins.
Le règlement porté pour ces sortes de voitures par l'arrêt du Conseil du 14 novembre 1724, y devient fort inutile on s'y sert ordinairement de charrettes tirées par deux ou quatre bœufs, qui portent environ quinze cents pesant et ne peuvent faire que quatre lieues par jour. On s'y sert aussi de mulets et autres bêtes de charge pour les voitures venant du Limouzin ou y allant. La charge ordinaire d'un mulet est de deux cents.
Changer la route de la poste Il fut proposé, au commencement de l'année 1717, de changer la route de la poste du Poictou en Angoumois, depuis Chaunay jusqu'à Barbezieux, c'est-à-dire que le courrier de Bordeaux, qui a accoutumé de passer par Sausay, Bannieres, Villefaignent, Aigre, Gourville, Saint-Cybardeaux, Villars-Marange, laissant Angoulesme à la gauche en allant à Bordeaux, pour descendre à Châteauneuf, Nonnaville, et ensuite à Barbezieux, auroit passé par Limalonges, Ruffecq, Mansle, Pont-de-Churet, Angoulesme et Roullet, et de là à Barbezieux. Pour établir l'utilité de ce changement, on faisoit voir qu'il y avoit trois postes et demie à gagner, s'en trouvant onze et demie dans cet intervalle de l'ancienne route, et n'y en ayant que huit dans la nouvelle proposée; et on ajoutoit que les chemins de cette dernière sont plus fermes et plus beaux que ceux de l'autre. Les maires et échevins d'Angoulesme et les habitants du plat pays se joignirent à ceux qui avoient fait cette proposition et représentèrent de quelle importance il étoit que la poste passât par cette capitale de la province. Les officiers de justice et les négociants du dedans et du dehors de cette ville firent les mêmes remontrances; mais de quelque utilité que parût ce changement pour le Roi et le public, il ne fut pas néanmoins goûté par M. de Torcy, soit à cause de la difficulté du passage d'Angoulesme, ou parce que le pont de Mansle, sur lequel il falloit passer nécessairement, étoit alors emporté. Quoi qu'il n'y ait pas tout à fait trois postes à gagner, comme on le supposoit, dans ce changement, il est cependant vrai qu'il y en a bien l'étendue de deux. Les lieux de la nouvelle route par lesquels les courriers passeroient sont communément plus gros et mieux fournis pour les commodités de la course que ceux de la route ordinaire. Il est vrai que la situation d'Angoulesme étant fort élevée et ses abords assez difficiles, le passage des courriers pourroit être retardé s'ils traversoient la ville; mais en y établissant une poste, on se proposeroit d'en mettre le bureau au faubourg de l'Houmeau, qui est au-dessous, et de faire tourner le courrier par le chemin bas qui est au bout inférieur de la montagne, pour gagner ensuite le grand chemin de Roullet et Barbezieux, ce qui est très praticable. La difficulté du passage de Mansle étoit d'un objet plus important avant le rétablissement du pont, mais elle se trouve entièrement levée par la construction d'un nouveau, qui vient d'être fini (1725 pour 180 000 livres). Rien n'empêcheroit donc à présent un changement si avantageux, et il seroit à désirer que la Cour voulût bien l'ordonner.
Mais il faut attendre 1760 Le 20 août 1760, le conseil d'administration de la ferme des postes autorise le changement de la route au cours de sa séance du 20 août. En 1760 donc, après un important reconditionnement des routes au nord de Poitiers, il fut décidé pour le sud de cette ville, et jusqu’à Bordeaux, un déplacement vers l’est de la route de la poste. Deux itinéraires se concurrençaient : la route de Lusignan vers Saintes et celle de Vivonne rejoignant Villefagnan. Un ancien projet daté de 1715 voulait faire passer la route de Poitiers à Bordeaux par Chef-Boutonne, abandonnant ainsi l’itinéraire par Lusignan. Sur l’impulsion de Turgot, en 1760, afin de desservir Ruffec et surtout Angoulême, la route royale venant de Poitiers, Vivonne puis Chaunay, fut retracée par Ruffec, Mansle et Angoulême (port de l’Houmeau), puis Barbezieux pour aller à Bordeaux.Début du fonctionnement en 1763.Ne restait qu'à établir dans Ruffec une nouvelle voie pour traverser tout droit (fait en 1774).
Une route royale toute droite avec un relais de poste à Ruffec.
Ruffec acceuille la route postale en 1763 L'enceinte de Ruffec était autrefois considérable. Elle ne comprenait pas le château. En construisant le palais de justice, on a démoli le bas de la tourelle qui défendait une de ses portes, au nord-ouest, du côté de Bernac. De l'ancien château, il ne reste plus que des vestiges : c'était autrefois une petite forteresse qui reçut des visites royales entre autres celles de Catherine de Médicis, de Louis XIV et d'Anne d'Autriche. A l'époque gallo-romaine, deux grandes voies traversaient Ruffec à angle droit : l'une allait de Charroux à Aulnay par Villefagnan, et l'autre de Poitiers à Angoulême. Ce ne fut qu'en 1763 que la route de Paris en Espagne traversa Ruffec et Mansle. Autrefois, elle passait à Chaunay, Sauzé, Villiers, Villefagnan, Aigre, Gourville, Saint-Cybardeau et rejoignait à Pont-à-Brac la route actuelle. L'église Saint-André de Ruffec date des XIIe et XVe Siècles. Sa façade ornée de belles sculptures est une des plus remarquables de la Charente. Primitivement, elle était décorée d'un certain nombre de statues qui ont été mutilées pendant la période révolutionnaire. A la même époque, le grand crucifix de bois installé à l'intérieur du monument fut jeté au feu et le citoyen qui accomplit cette besogne présenta à la municipalité la note de ses honoraires avec cette mention : "Pour avoir brûlé le ci-devant bon Dieu." L'église Saint-Blaise, dont il ne reste que des traces, se trouvait dans le faubourg du Pontreau.
L'Almanach royal (édition des années 1780) (L'almanach royal est un annuaire administratif français fondé en 1683 par le libraire Laurent d'Houry, qui parut sous ce titre de 1700 à 1792.) Diligences et carrosses. Par Ruffec Angoulême, Couhé, Chaulnay, Verteuil, Ruffec & autres, part le chariot de messagerie le vendredi à dix heures du matin, repart ledit chariot d'Angoulême le dimanche à midi, arrive à Paris le mardi ; il part aussi de Paris les mardi & samedi au soir à minuit deux diligences de Bordeaux dans lesquelles on donne place pour Angoulême. Par Saint-Jean-d'Angély (à l'origine route des voyageurs) Bordeaux, Bayonne, Pau, Médoc, Condom, Blaye, le petit Niort, Pont, Saintes, Brioude, Varaise, la Villedieu, Aulnay, Saint-Jean-d'Angély, Chenets, la Motte, Saint-Léger, de Méfie, Montbazon, Sainte Maure, la Celle, Châtellerault. la Trichaie, Poitiers & autres, il part tous les mercredis à dix heures du matin, va en quatorze jours. Il faut envoyer les effets la veille à sept heures du soir ; il faut des déclarations & la valeur des bijoux & marchandises de cette espèce, repart le vendredi de Bordeaux, arrive à Paris le samedi. Il part aussi de Paris pour Bordeaux, du premier Mars au premier Novembre, deux diligences par semaine les mercredis & samedis à minuit, elles vont en cinq jours & demi, & partent de Bordeaux pour Paris les dimanches & jeudis à neuf heures du matin, & du premier Novembre au premier Mars, il ne part de Paris que celle du samedi à minuit, & de Bordeaux celle du dimanche à neuf heures du matin, elles prennent pour Angoulême, & il y a deux places assurées pour cette ville ; elles desservent aussi Barbezieux. Observations essentielles Il est très-défendu de mettre de de l'argent dans les Lettres. Il y a un bureau à l'Hôtel des Postes où l'on reçoit l'argent que l'on veut envoyer dans les provinces. Il y a aussi un bureau pour recevoir tous les paquets qui contiennent des effets de conséquence. Il faut que toutes les lettres pour les colonies françoises de l'Amérique et pour les Indes soient affranchies jusqu'au Port de Mer par lequel elle doivent palier ; autrement elles resteront au rebut. Il est bon d'affranchir toutes les Lettres pour Messieurs les Majors des Régimens & Messieurs les Curés, les Procureurs & autres personnes publiques, parce qu'ils les refusent, lorsque le port n'en est pas payé. Les personnes qui écriront dans des villages où des châteaux qui ne sont pas connus, sont averties de mettre au bas des adresses de leurs lettres le nom de la Ville la plus proche de ces endroits. Il y a plusieurs villes qui portent le même nom : il faut avoir grand soin de les distinguer en mettant au bas des adresses le nom de la Province. Pour les lettres des soldats & gens de guerre, il faut mettre exactement le non du régiment & celui de la compagnie. Il faut apporter au bureau général des postes, rue Plâtrière, toutes les lettres qui sont sujettes à l'affranchissement. Les autres peuvent être mises dans les boites qui sont placées dans les différents quartiers de la ville.Indicateur fidèle de 1765-1770 (Source : Guy Abellot)
L'Indicateur fidèle de 1765 a été reproduit sans changement dans les éditions de 1771 et 1775. Son analyse rapide nous apporte les informations suivantes : presque toutes les grandes routes royales possèdent leur service régulier de voitures publiques depuis Paris, à raison d'un départ au moins par semaine. Certaines voitures transportent le voyageur sans transbordement jusqu'au bout du royaume ; mais, sur les très longs parcours, celui-ci doit changer de véhicule en route. C'est ainsi que le carrosse qui relie Paris à la Bretagne ne dépasse pas Rennes. De même, celui de la route d'Espagne rebrousse chemin à Bordeaux. La plupart des véhicules utilisés sont très lents : coches ou carrosses sont des voitures mal suspendues marchant à petite allure, c'est-à-dire au trot ou plus souvent au pas de chevaux qu'on ne peut relayer pendant toute la durée du voyage. On s'arrête toujours avant la tombée de la nuit et, en comptant une halte prolongée à mi-étape pour la «dînée», on avance ainsi péniblement de 40 à 50 km par jour. A ce train, il faut donc 11 jours 1/2 pour atteindre Strasbourg, 13 jours 1/2 pour Bordeaux, 15 jours 1/2 pour Toulouse. Quelques itinéraires privilégiés possèdent déjà un service de diligences. Ce sont : Paris-Lyon (par la Bourgogne), Paris-Reims, Paris-Lille, Paris- Valenciennes, Paris-Dunkerque, Paris-Bruxelles, Besançon-Bâle et Bâle- Strasbourg. (Mais pas Bordeaux qui attendra encore.) Les diligences sont équipées de ressorts et avancent au galop grâce à un système de relais installés de loin en loin par l'entreprise de messageries qui exploite la ligne. Pour leur première étape, elles partent de plus en pleine nuit, à 2 ou 3 h du matin, et arrivent assez tard à l'auberge du soir. Les nouvelles voitures font par conséquent de deux à trois fois plus de chemin en 24 heures que les carrosses. La diligence de Lyon franchit ainsi ses quelque 470 km en 5 jours seulement, soit à la vitesse moyenne de 94 km par jour 73 ; celle de Valenciennes atteint 10 1 km par jour, et celle de Lille, la plus rapide, ne met que 2 jours pour couvrir 234 km. Les auteurs de l'Indicateur fidèle utilisent indifféremment la petite lieue ou lieue de poste de 2 000 toises (3 898 m) et les lieues communes de 2 280 toises (4 444 m) et 2 450 toises (4 777 m), mais sans le préciser toujours.
Le réseau français se trouvait dans un piteux état au début du règne de Louis XV (source : Guy Abellot). La corvée des chemins, rendue obligatoire dans tout le royaume par l'Instruction du 13 juin 1738 du contrôleur général Orry, devait procurer aux ingénieurs des Ponts et Chaussées de chaque province l'énorme, sinon très efficace, main-d'œuvre qui leur était nécessaire. La même instruction chargeait les ingénieurs, en accord avec les intendants des provinces, de commencer les ouvrages et de dresser les plans des routes à ouvrir ou à aligner. Leur plus grand effort, que l'on espérait cette fois-ci définitif, devait porter bien entendu sur les grands itinéraires partant de la capitale. Daniel-Charles Trudaine, nommé à la Direction des Ponts et Chaussées en 1743, allait donner une impulsion vigoureuse à toute l'entreprise. Suivi plus tard par son fils, il coordonna avec autorité l'action des ingénieurs et veilla à élever leur niveau de recrutement et d'instruction. L'arrêt du 3 mai 1720 avait déjà fixé à 60 pieds (19,50 m) «entre les fossés» la largeur des grandes routes menant de Paris aux ports de mer, aux frontières ou aux capitales de province, et à 36 pieds (11,80 m) celle des autres grands chemins. Arrêt du 6 février 1776 : en supprimant la corvée, Turgot ramena alors à 42, 36, 30 ou 24 pieds la largeur des routes dont la construction était en cours ou en projet, et cette mesure resta définitive. Mais l'élan avait été donné et ce coup de frein n'atteignit pas la plupart des grands axes rayonnant à partir de Paris. Déjà terminés en 1776, ils conservèrent les quelque 19 m de large que nous leur connaissons aujourd'hui. C'est ainsi que naquirent, dans les régions peu accidentées surtout, ces fameuses et interminables lignes droites qui lassaient les voyageurs du temps et qui nous étonnent encore maintenant. La route évitait le plus souvent les villages, voire certaines petites villes qui l'auraient contrainte à un détour inutile. Un embranchement suffisait alors à les desservir. Faute d'une technique de construction rigoureuse et d'un entretien permanent, le nouveau réseau routier du royaume se révélait déjà presque aussi fragile que l'ancien. Il suffisait en effet d'un mauvais hiver ou de pluies violentes suivies du passage de quelque lourd convoi de rouliers pour que se creusent un peu partout de redoutables ornières. Force était alors d'attendre les rechargements massifs effectués par les corvées, mais seulement au printemps ou à l'automne. Elles n'y étaient pas encore parvenues au moment de la Révolution : dans son Mémoire de 1790, Chaumont de la Millière recommande bien la méthode d'entretien utilisée en Limousin « qui est sans contredit la province de France où les routes sont le mieux soignées », mais il pense que Trésaguet a bénéficié là de conditions particulièrement favorables ; c'est ainsi qu'il attribue son succès à la qualité des matériaux et à une circulation réduite tout autant qu'à l'emploi de cantonniers. Lorsque la corvée fut supprimée, d'abord momentanément par Turgot en 1776, puis définitivement le 27 juin 1787, elle fut remplacée tant bien que mal par les ateliers volants d'entrepreneurs locaux adjudicataires. Après un quart de siècle d'expériences désastreuses, il fallut attendre le décret impérial du 16 décembre 1811 pour que l'entretien permanent par les cantonniers fût définitivement étendu à toute la France. En 1790, Chaumont de la Millière résume ainsi la situation du nouveau réseau : - Routes «achevées» : routes de la 1ère classe, c'est-à-dire celles «qui communiquent de la capitale aux extrémités du Royaume» et celles «qui de Paris aboutissent aux capitales de chaque Généralité». - Routes «presque toutes faites» : celles de la seconde classe «qui établissent les communications entre ces capitales, de même qu'entre les principales villes de commerce». - Routes «pas très avancées» : celles de la troisième classe « destinées à lier entre elles les différentes parties de chaque province, ou qui s'embranchent sur les routes des deux premières classes » (celles de l'Ile-de-France, de la Lorraine, de la Franche-Comté et de la généralité ?Auch sont toutefois terminées).
État des Grandes Routes et Communications au mois de décembre 1787
N° 1. 42 pieds de. largeur ; de Paris en Espagne par Orléans, Poitiers, Ruffec, Mansle et Angoulême. "Cette route est la première par son importance. Elle est une des plus grandes traversées du Royaume. Elle mène à Bordeaux, ville d’un commerce majeur. Elle passe par Angoulême, Poitiers, Tours et Orléans ; mais elle n’est que d’un petit intérêt pour le Limousin et l’Angoumois parce qu’elle traverse une partie dont les débouchés ne sont pas intéressants."
Ruffec aurait pu devenir un important carrefour routier Prévu N° 6. 36 pieds de largeur. Du Languedoc à Nantes par Figeac, Beaulieu, Tulle, Uzerche, Limoges, Saint-Junien, le Pont-Sigoulant (commune de la Péruse en Cahrente), Ruffec, Chef-Boutonne et Niort. Cette route serait peut-être une des plus importantes du royaume et en même temps de la province. Elle joindrait la Méditerranée à l’Océan. Elle formerait entre ces deux mers la communication la plus courte et la plus directe. Elle traverserait tout le Languedoc, le Rouergue, le Bas-Limousin, une partie de l’Angoumois, le Poitou et la Bretagne. Le commerce des deux mers se fera un jour par le secours de la navigation, excepté pendant la guerre, mais les négociants qui voudront aller de Marseille à Nantes, à Lorient et autres ports de la Bretagne et de la Basse-Normandie suivront cette route. Elle traverserait le Limousin dans sa plus grande largeur et établiraait une circulation intérieure des objets de subsistance entre le Rouergue, le Haut et le Bas Limousin et le Poitou. La route n’est qu’en projet. Qu’en a-t-il été exécuté ? Tout, sauf la portion de Pont-Sigoulant à Ruffec. Elle a pourtant été amorcée et à la largeur prévue à partir des «Quatre-Vents», entre le Pont-Sigoulant et les Tuilières, aboutissant au Petit-Madieu. Elle n’a pas été continuée comme prévu. Des difficultés sont apparues au pont de Condac et à Nanteuil. Mais la partie reliant Ruffec à Villefagnan fut construite à l'été 1788. Il fallut attendre 1840 environ pour voir Villefagnan relié à Chef-Boutonne (http://pioussay.wifeo.com/routes-rn7.php).
Voyages en France pendant les années 1787, 1788, 1789 (Arthur Young) 1787. Passé Angoulême, on ne voit guère que des vignes ; puis vient une forêt, propriété de la duchesse d'Anville, mère du duc de Larochefoucauld ; à Verteuil, un château appartenant à cette même dame, bâti en 1459, et où nous trouvâmes tout ce qu'un voyageur peut désirer de l'hospitalité la plus large. L'empereur Charles-Quint y fut reçu par Anne de Polignac, veuve de François II, comte de Larochefoucauld, et ce prince déclara tout haut «n'avoir jamais été en maison qui sentît mieux sa grande vertu, honnêteté et seigneurie que celle-là.» Il est parfaitement tenu, complètement réparé, meublé entièrement et en bon ordre, ce qui mérite d'être loué, quand on songe que la famille passe rarement ici plus de quelques jours chaque année possédant d'autres châteaux, et bien plus considérables, en différentes provinces du royaume. Si ces égards, pour les intérêts de ceux qui suivront, étaient plus communs en France, nous n'aurions pas le triste spectacle de tant de manoirs ruinés. Dans la galerie se trouve une suite de portraits depuis le dixième siècle ; on voit, par l'un deux, que ce fut une demoiselle de Larochefoucauld qui acquit ce domaine en 1470. Le parc, la forêt et la Charente forment un délicieux ensemble cette rivière abonde de carpes, de tanches et de perches ; il est aisé en tout temps d'y pêcher de 50 à 100 couples de poissons pesant de trois à dix livres chacune ; on nous servit à souper une paire de carpes, les meilleures, sans exception, que j'aie jamais goûtées. Si je plantais ma tente en France, ce serait sur les bords d'une rivière donnant de semblables poissons. Rien ne vous agace davantage à la campagne que d'avoir en vue soit lac, soit rivière, soit la mer, et de se passer de poisson à dîner, comme c'est souvent le cas en Angleterre. - 27 milles. 1er septembre. - Caudec (Condac), Ruffec, Maisons-Blanches et Chaunay. Dans le premier de ces endroits, un très beau moulin à farine construit par le feu comte de Broglie, frère du maréchal de ce nom, un des officiers les plus capables et les plus actifs de l'armée française. Ses entreprises, comme particulier, portent toutes l'empreinte d'une sollicitude nationale : ce moulin, une forge et un projet de navigation ont prouvé qu'il était disposé à tous les efforts nécessaires au bien du pays, selon les idées en vogue, c'est-à-dire en toutes choses, excepté dans la seule qui eût été efficace, l'agriculture pratique. Le jour s'est passé, à quelques exceptions près, dans un pays pauvre, triste et désagréable. - 35 milles.
Du Nord au Sud en 1812 Aux Maisons-Blanches et à g. le parc et château de Panesac, la Scie et Périssac, à dr. Limalonge et Montenau : route de la Rochelle à Limoges. Au Pain et à la Fontaine y à dr. Montalembert : côte de Chauroy. A Brangé: vallon. On entre dans le département de la Charente. A g. les Adjots : demi-l., de la forêt de Ruffec à passer, pente rapide ; à dr. Bernac. On arrive à Ruffec, ville qui possède des mines de fer et des forges, 2,100 hab. En quittant cette ville, côte, pente très-rapide, vallon, montagne de la Chaussée; à g. Barro, à dr. Villegast ; le long du parc, route du château dit la Tremblais ; à g. Verteuil. Aux Nègres, à Peignères et à Touchimbert; vallon et côte à traverser; à g. Bayers. A la haute et la basse Sangle; à g. Moutonneau : côte ; à g. Fontclairaud : pente rapide: à dr. Saint-Groux. A Mansle : pont et rivière de Charente que l'on passe, côte ; à dr. Cellette, à g. Peuriot, à dr. Maine-de-Bouex : fourche du chemin de la Rochefoucauld demi-l. de la forêt de Saint-Amand-de-Bouex à passer ; à g. Aussac : le long et à la pointe de la forêt ; à dr. Villejoubert : pente rapide, Au village de Touriers : pont. Au hameau de Pmdardière. A la Touche ; à g. Anes ; pente rapide et pont de Churet ; à dr. Vars : côte de vignes à traverser, pont ; à g. Champniers : côte et vignes de Chauveau, pente rapide du Maine, vallon et vignes. A Pont Touvre : route d'Angoulême à Limoges, pont et rivière de Touvre , côte de vignes; à dr. Gond : confluent de la Touvre et de la Charente, faubourg de l'Aumeau : pente rapide de la montagne. On arrive à Angoulême, chef-lieu de la Charente et auparavant capitale de l'Angoumois, sur la Charente, a un siège épiscopal et un tribunal de commerce. Elle possède des manufactures de lainages et de faïence ; et elle commerce en grains, vins, eaux-de-vie, safran, graine de lin et de genièvre; bois, fer, bestiaux et sel. Trois ruisseaux alimentent 22 fabriques de papier. On remarque la salle de spectacle et les belles promenades. Celle que l'on nomme Belle-Vue, autour du rempart, offre le coup-d'œil le plus pittoresque. Foires. Le 14 janvier, 8 jours ; 24 mai, 8 jours ; 24 août, 8 jours : bestiaux et toutes sortes de marchandises.
On dit que la Route Nationale 10 (RN10) est une route nationale qui reliait Paris à l'Espagne, via Bordeaux. C'est l'une des grandes routes de France qui relie Paris à l'Espagne via la Beauce, la Touraine, le Poitou, la Charente, la Gironde, les Landes et le Pays-Basque. La Route Nationale 10 s'étire sur 762 kilomètres. Comme toutes les routes nationales, elle part du parvis de Notre-Dame de Paris au «point zéro des routes de France» et se termine à la frontière franco-espagnole à Béhobie à quelques kilomètres d’Hendaye au Pays Basque.
La RN 10 suit l’histoire de plusieurs routes Les nombreux chemins de pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle en Galice (nord-ouest de l’Espagne) qu’empruntent des milliers de pèlerins à partir du Xe siècle, la «Via Turonensis» (la voie de Tours) trace déjà l’ébauche de la future RN 10. Elle relie Paris à l’Espagne via Tours (mais par la vallée de la Loire) puis Poitiers et Bordeaux (mais ne passe pas par la Charente) avant de traverser les Landes. De nombreuses coquilles Saint Jacques sculptées témoignent encore de la vivacité de la «Via Turonensis». La route royale d’Espagne structurée à partir du XIVe siècle avec l’affirmation du pouvoir royal et l’aménagement d’un réseau routier déjà centralisé depuis Paris.
En 1808, Napoléon et sa grande armée passent par Les Maisons-Blanches et Ruffec pour aller guerroyer en Espagne. Des textes évoquent cet évènement qui aurait provoqué un recreusement important de la route impériale dans sa traversée de Ruffec. Ces affirmations sont fausses, lire la page Traversée de Ruffec. Ces textes sont ajoutés à la fin de cette page.
Avec le Consulat et l’Empire cette route définie depuis sa création comme étant la route de Paris à Bayonne et en Espagne, est pour la première fois classée Route Impériale de première classe numéro 11 en 1811. Elle est route royale n°10 et en 1824 succède à la route impériale n°11. En 1824 la numérotation des routes royales est revue, il y en a quatorze mille kilomètres en bon état, autant à réparer et trois mille kilomètres sont à terminer. La plupart sont radiales et centrées sur Paris, elles relient la capitale aux ports maritimes et aux plus grandes villes. A noter qu'une ordonnance de juillet 1814 a institué un Corps royal et l’École royale des Ponts et Chaussées pour les routes royales (en 1830 l’adjectif royal est remplacé par national).
La poste file bon train de Chaunay à Mansle (1818)
De Chaunay aux Maisons-Blanches La route et la contrée changent peu de nature. Chaunay est un village de soixante feux, qui a un bureau de poste et de bonnes auberges. Le hameau de Maisons-Blanches, composé de cinq ou six auberges ou cabarets, est enclavé dans le département des Deux-Sèvres, dont la route parcourt une extrémité ; arrivé à la seconde limite, on entre dans celui de la Charente.
Des Maisons-Blanches à Ruffec Ce trajet d'une lieue en tout, tant avant qu'après les Maisons-Blanches, se reconnaît à la dégradation du chemin, que le département des Deux-Sèvres n'a aucun intérêt à entretenir, cette communication n'étant d'aucune utilité pour lui. A deux lieues E. de ce relais, est la petite ville de Civray, située sut la Charente, et peuplée d'environ 1500 habitans. C'est le chef-lieu d'un des arrondissemens de la Vienne, et le siège d'un tribunal civil. Vers le milieu de la distance de Maisons-Blanches à Ruffec, on longe à droite la montagne des Châteliers (horst de Montalembert), d'où l'on jouit d'une vue très étendue, et plus loin, pendant trois quarts de lieue, la forêt de Ruffec. Ruffec La ville de ce nom n'a rien de remarquable qu'une grande halle, sur la place. Elle est d'ailleurs assez bien percée et bâtie de même. On y compte 2000 habitans. C'est le siége d'un tribunal civil et d'une des sous-préfectures du département de la Charente. Il y a 12 foires par an, tous les 28 de chaque mois, et un marché tous les samedis. Le chemin longe cette ville, plus qu'il ne la traverse, en la laissant presque toute sur la gauche. C'est un pays de grains et de fourrages; le sol y rend en froment 7 à 8 pour 1 dans les bonnes terres, 5 à 6 dans les moyennes. Dans quelques parties arides, il produit des truffes, mais en petite quantité. (A noter que le pâté de perdreau truffé et le pâté de foie gras n'ont pas encore établi leur réputation.) Thorel vient juste d'arriver à Ruffec où il s'est marié en 1816. Les fromages de Ruffec ont de la réputation, mais elle nous paraît un peu usurpée. Les habitans en régalent les étrangers, qui ne leur tiennent compte que de leur bonne volonté. On pêche d'excellentes truites dans la petite rivière du Lien, sur les bords de laquelle est située cette ville.
Topographie détaillée de la route en 1812 On entre dans le département de la Charente. A gauche, les Adjots : demi lieue de la forêt de Ruffec à passer, pente rapide ; à droite Bernac. On arrive à Ruffec, ville qui possède des mines de fer et des forges. En quittant cette ville, côte, pente très rapide, vallon, montagne de la Chaussée ; à gauche Barro, à droite Villegast ; le long du parc, à gauche route du château de la Tremblaie, et Verteuil. Aux Nègres, à Peignères et à Touchimbert : vallon et côte à traverser ; à gauche Bayers. A la haute et la basse Sangle ; à gauche Montonneau : côte ; à gauche Fontclairaud : pente rapide : à droite Saint-Groux. A Mansle : pont et rivière de Charente que l’on passe, côte ; à droite Cellette, à gauche Peuriot, à droite Maine de Bouex : fourche du chemin de la Rochefoucauld, demi lieue de la forêt de Saint-Amand-de-Bouex à passer ; à gauche Aussac : le long et à la pointe de la forêt ; à droite Villejoubert : pente rapide. Au village de Touriers : pont. Au hameau de Poulardière. A la Touche ; à gauche Anais : pente rapide et pont de Churet ; à droite Vars : côte de vignes à traverser, pont ; à gauche Champniers : côte et vignes de Chauveau, pente rapide du Maine, vallon et vignes. A Pont-Touvre : route d'Angoulêrne à Limoges, pont et rivière de Touvre, côte de vignes ; à dr. Gond : confluent de la Touvre et de la Charente, faubourg de l’Houmeau : pente rapide de la montagne.
De Ruffec aux Nègres Même nature de route, toujours boueuse en hiver et poudreuse en été, par la prompte décomposition des matériaux qui servent à l'entretenir. Même nature de contrée, toujours calcaire, assez plate, assez fertile, et cultivée particulièrement en blé. Le relais des Nègres est dans un hameau de quelques maisons, à un quart de lieue Ouest de la petite ville de Verteuil, ancienne sépulture des ducs de la Rochefoucauld.
Des Nègres à Mansle Le relais de Mansle est dans une belle ferme dépendante du bourg de ce nom, situé à un demi-quart de lieue plus loin. Il est peuplé de 1000 à 1200 habitans. En y entrant, on passe la Charente sur un très-haut pont de pierre, d'où on la voit, à droite et à gauche, serpenter à travers de belles prairies. Le trajet du bourg est peu commode, surtout quand on y passe un jour de marché. Il y a une bonne auberge. La ferme où est la poste appartient à M. Trion de Montalembert, dont le château est aux environs.
Ruffec (Charente). Source : Guide pittoresque, portatif et complet, du voyageur en France, par Girault de Saint-Fargeau, 1842. Jolie petite ville. Sous-préf. Trib. de 1ère inst. Popul. 2.950 hab. Cette ville, traversée par la grande route de Paris à Bordeaux, est dans une situation agréable, sur le ruisseau du Lien, renommé par ses excellentes truites, et peu au-dessus de son confluent avec la Charente. Elle est généralement bien bâtie, bien percée, et d'un aspect agréable. On remarque dans ses environs des fragments du château de Broglie. L'église paroissiale est un édifice fort ancien, dont l'architecture est remarquable. Commerce de grains, marrons, truffes, fromages dits de Ruffec, excellents pâtés de perdreaux et de foies d'oies truffés (merci Thorel), bestiaux, etc. Aux environs belles forges (Taizé) et beau moulin à blé (Condac). A 47 kil. (12 lieues) d'Angoulême, 415 kil. (106 lieues et 1/2) de Paris. Hôtels : Thorel (Hôtel de la Poste), Gaudaubert (Hôtel des Ambassadeurs). Voitures publiques : tous les Jours, passage de diligences de Paris à Bordeaux, et de Cognac à Ruffec. Buts d'excursions : aux Moulins de Condac (1 kil. Ouest); un beau château à Verteuil, récemment restauré {4 kil. Sud). L’Empereur en 1808 aux Maisons-Blanches par A. Bobe 1er mars 1808 l'Empereur est aux Maisons-Blanches selon A. Bobe ; le 31 octobre 1808 à Ruffec selon l'histoire officielle...
Conservons la seconde date car : L’empereur se rendit en personne en Espagne, à la tête de 80 000 soldats qu’il avait tirés d’Allemagne. Il ne resta que quelques mois (novembre 1808-janvier 1809) en Espagne mais son intervention assura la reprise en main des villes par les Français. Madrid, menacé d’un assaut, ouvrit ses portes au conquérant.
En cette journée du 1er mars 1808, les abords de la grand'route de Paris à Bayonne, notamment au hameau des Maisons-Blanches et plus particulièrement dans les cours, hôtellerie et dépendances de l’Hôtel de la Poste aux chevaux, présentaient un aspect inaccoutumé et des plus curieux. De tous les chemins, de tous les sentiers, même à travers champs et à travers bois, courant, sautant pour aller vite, une foule sans cesse accrue s'acheminait, une interminable file de véhicules de toutes formes, de piétons, cavaliers, paysans en blouses de toile écrue, en bonnet de coton et sabots de bois ; petits bourgeois en troublons et à vestes à queue de pie ; paysannes à jupes de droguet et à caillons ronds ou à cornes ; bourgeoises à papillotes et à cabriolets et petits gentilhâtres à chausses de soie, souliers à boucles et tricornes râpés, émigrés prétentieux quoique ruinés par la Révolution, minables et hostiles ; artisans à grandes blouses et casquettes à ponts ; toutes les localités, de Civray à Confolens, de Sauzé à Chef-Boutonne et même au delà ; toutes les bourgades et tous les hameaux vidés do leur population qui, à flots, se déversait sur les Maisons-Blanches ; toute cette foule s'accumulait sur les bas-bords de la route qui, dans les deux sens opposés et vers Paris et vers Bayonne en était noire à perte de vue et ce qui n'y pouvait trouver place se dans les champs en bordure.
Nous serons moins surpris de cet exode si nous pensons que huit jours plus tôt, le maître de la Poste aux chevaux des Maisons-Blanches, Maître Perrin, le bonnet de police en bataille, avait affiché à la porte de son établissement le simple avis suivant : « La Grande Armée sous les ordres du Maréchal Murat, va incessamment marcher sur l'Espagne par la route de Paris à Bayonne, le Maréchal Ney commandera l’avant-garde, l’Empereur suivra la même route, dépassera l’Armée et l’attendra à Bayonne où il passera les troupes en revue au fur et à mesure de leur passage. La tête de colonne passera aux maisons-Blanches le 1er mars.» Tous venus pour voir l’empereur, ce demi-dieu dont le nom depuis dix ans était dans toutes les bouches et dans tous les cœurs, qui avait dit qu’avec lui «il n’y avait plus de place pour la faveur, mais seulement pour le mérite et qui, des enfants du peuple, avait fait communément des officiers, souvent des colonels, et parfois des maréchaux. [La population était nombreuse pour] voir l'Empereur, ce demi-dieu dont le nom depuis dix ans était dans toutes les bouches et dans tous les coeurs, qui avait dit qu'avec lui «il n'y avait plus de place pour la faveur, mais seulement pour le mérite et qui, des enfants du peuple, avait fait communément des officiers, souvent des colonels et parfois des maréchaux». Vers I0 heures, un groupe de cavaliers passa rapide, les fourriers du logement ; puis, un régiment de chasseurs et ensuite, l'immense colonne d'admirables soldats aux beaux uniformes, infanterie, dragons, cuirassiers, artillerie, grenadiers à cheval, etc. suivie de l'immense file des canons, des caissons, des voitures, des ambulances et pendant des heures et des heures le flot s'écoula, spectacle encore jamais entrevu de cette population naïve et enthousiaste. Une vingtaine de vieux soldats invalides : blessés de Marengo, d'Austerlitz, d'Iéna, d'Eylau ou de Lodi, étaient alignés et au garde-à-vous en face de l'Hôtel de la Poste, nommant au passage les généraux qu'ils avaient connus et cherchant encore à apercevoir dans les rangs des camarades de leur ancien corps au passage de celui-ci et jetaient à la foule les noms des personnages chamarrés dont Lannes, Ney, Bessières, Suchet, Rivaud, Dupont, etc.. et ces grands chefs avaient, en passant, un regard bienveillant et saluaient eux-mêmes de l'épée ou du sabre cette rangée de glorieux débris dont beaucoup avaient reçu la croix de la main de l'Empereur. Tout le jour et toute la nuit l'immense colonne s'écoula et malgré que le froid fut vif, la foule persista, elle n'avait pas encore vu l'empereur. Dans la soirée la berline et les voitures du train impérial étaient passées, mais la berline était vide ; néanmoins, à leur vue un immense cri secoua la colonne ; tous les cavaliers, debout sur leurs étriers et sabre au clair, poussèrent des acclamations de "Vive l'Empereur". Mais pour la foule, déception. Cependant la nuit tombait, le froid se faisait plus vif lorsque trois cavaliers enveloppés de longs manteaux, sabres et cols relevés, côtoyèrent la colonne ; personne ne leur prêta guère attention. Lorsqu'ils furent à l'entrée du hameau, le cavalier de tête, le plutpetit, mais qui semblait être le chef, regarda l'immense foule assiégeant l'Hôtel de la Poste et ils passèrent pour ne s'arrêter qu'à l'avant dernière maison à main gauche, avant le croisement que faisait sur la route l'ancien chemin allant de Sauzé à Civray et ce, devant une maison d'honnête apparence devant laquelle pendait un gros bouchon de buis, modeste auberge tenue par un jeune ménage. Ces trois cavaliers, sur un signe du premier, sautèrent lestement à terre, une jeune femme à caillon rond était sur le pas de la porte, le plus grand des trois prit les chevaux en main et demanda d'un ton sec : «Une chambre pour les hommes et une écurie pour les chevaux». La femme remarqua son accent étranger, son nez busqué, ses yeux luisants et ses dents de tigre, assez intimidée, car elle était seule au logis, son mari étant dès le matin parti à l'Hôtel de la Poste pour voir passer l'Empereur. Les deux autres compagnons, dont l'un portait un grand portefeuille ou chancelière et un porte-manteau, entrèrent à sa suite, l'autre les rejoignit. Après un coup d'oeil à la salle d'auberge, ils esquissèrent un recul et ayant aperçu l'escalier, s'y engagèrent sans y avoir été invités, la femme suivit; l'homme aux dents de tigre ouvrit une porte et tous trois pénétrèrent dans une pièce de l'étage, celui qui tenait le grand portefeuille demanda à l'hôtesse un bon feu, une provision de bois et l'invita à regagner le rez-de-chaussée en lui disant qu'il l'appellerait pour servir le dîner ; derrière elle, il forma la porte et mit le verrou. Avant de sortir elle avait pu voir que l'homme aux dents de tigre avait quitté son manteau, il avait un teint olivâtre et une mine féroce, un sabre à lame très large et très courbe pendait à son côté, et à un ceinture, faite d'une étoffe de soie roulée, étaient deux pistolets et un long poignard. Le plus petit de ces voyageurs, celui qui semblait le chef, et auquel les deux marquaient une très grande déférence, s'installa sans quitter ses hautes bottes éperonnées, devant le feu qui flambait et accrocha un pied de chaque côté de la cheminée, il n'avait pas encore prononcé un mot et s'absorbe dans une profonde rêverie, en se livrant avec une évidente satisfaction à l'ardente chaleur du foyer. Le troisième personnage, celui qui était chargé du portefeuille et du porte-manteau, avait une figure calme et douce et retirait de ce dernier divers objets qu'il plaça à proximité de l'homme qui se chauffait. Soudain, celui-ci se leva, d'un geste brusque il se défit de son ample manteau, s'ébroua, se frotta les mains, arpenta la pièce à grands pas de long en large, c'était un homme d'une quarantaine d'années. Il portait une petite redingote grise sous laquelle émergeait une mince épée, il avait la figure belle et sévère: «Marchand, dit-il, il faut diner, un bouillon et deux oeufs à la coque pour moi, vous et Roustan, demandez ce qui vous plaira».
Carrefour des Maisons-Blanches, années 60. RN10 et RN 148.
L'hôtesse le servit, rappelée à nouveau pour remporter les plats, elle vit l'homme à la redingote grise qui, sur un coin de table, trempait les dernières bouchées de son pain dans un verre de vin. Derrière elle, la porte se referma au verrou. Très tard dans la soirée, et sans avoir vu l'Empereur, qu'il affirme n'être pas encore passé, mais qui passerait sûrement le lendemain, affirma-t-il, le mari de l'hôtesse rentra au logis et celle-ci le mit au courant de envahissement de ces trois redoutables individus. Point très brave qu'il était, il en eût la chair de poule, à pas de loup il monta le degré, mit l'oeil au trou de la serrure, ce qu'il vit n'était pas fait pour le rassurer. Devant la cheminée, un feu d'enfer, le voyageur à la redingote grise, que sa femme lui avait dépeint comme le chef de la bande, avait apparemment retiré la couverture du lit de la chambre, il l'avait étendue devant le foyer et enveloppé dans son manteau, il était étendu sur celle-ci, autour de lui était éparpillé le contenu du portefeuille une quantité de papiers divers et de cartes ; un coude par terre et la tête appuyée sur sa nain, il consultait attentivement l'une de ces cartes, s'éclairant d'une bougie posée sur un coin de la table qu'il avait rapprochée. Quant aux deux autres personnages, l'un était couché derrière la porte qu'il barrait de son corps ; quant à l'autre, il devait être probablement sur le lit. Il se hasarda à frapper doucement à la porte, aussitôt l'homme couché derrière celle-ci bondit et il entendit un pistolet qui s'armait. Blême de terreur, notre aubergiste se trouva comme par hasard au bas de l'escalier et ne douta plus qu'il hébergeait de redoutables bandits, qui s'en iraient sûrement le lendemain sans payer, mais non sans lui voler quelque chose, mais comme il ne tenait pas à faire connaissance avec le poignard ou le pistolet de l'homme aux dents de tigre, il recommanda expressément à son épouse de ne pas les laisser partir sans payer et courageusement, il retourna, bien avant le jour, aux abords de l'Hôtel de la Poste pour voir passer l'Empereur. Dès l'aube également, nos trois voyageurs furent sur pied, l'homme aux dents de tigre amena les chevaux jusqu'à la porte, et tous trois, comme la veille, enveloppés de leurs grands manteaux, au col relevé qui leur cachait à demi le visage, se disposaient à sauter en selle lorsque toute tremblante, l'hôtesse s'approcha de celui qui semblait être le chef et qui, immobile, se tenait encore sur le pas de la porte et timidement lui demanda le paiement de l'héberge. Il eut un brusque mouvement de tête, comme quelqu'un qu'on rappelle à une brusque réalité, pose les doigts dans les poches de son gilet, sur un petit geste de déception en les retirant vides, puis la regardant avec un sourire, lui tapota doucement la joue et d'un ton d'une grâce infinie : «Ma bonne je n'ai pas d'argent», dit-il, et montant en selle il disparut au grand trot dans l'aube matinale avec ses deux compagnons, au flanc de la colonne. Il n'avait pas fait cent mètres qu'un immense cri de «Vive l'Empereur» se répercuta jusqu'aux extrémités de celle-ci. Il était bien midi quand le mari de l'hôtesse revint à son logis, déçu de n'avoir pas vu l'empereur, qui n'avait pas dû passer, dit-il, personne ne l'ayant vu. Quand la jeune femme toute éplorée lui eut fait part de sa déconvenue, ces trois voyageurs étant partis sans payer, notre homme écuma, jura, tempêta, l'injuria, menaça de la battre : «je t'avais bien dit quel c'était trois brigands, de t'opposer à leur départ, de faiire attention. Il en était là de ces imprécations, lorsque deux officiers d'ordonnance arrêtèrent leurs chevaux devant la porte, demandant l'hôtesse pour lui payer les dépenses de l'Empereur et lui mirent un rouleau de 50 louis dans la main. Le petit homme qui lui avait souri et caressé la joue, c'était l'Empereur Napoléon, le maître du monde. De ses deux compagnons, l'un, l'heure à la mine féroce était Roustan, leu Mameluk qu'il avait ramené d'Egpte et qui dans ses voyages veillait maintenant à sa sûreté, l'autre, Marchand, son fidèle valet de chambre. A. BOBE
L’Empereur en 1808 à Ruffec Note : Le général Pierre Armand Pinoteau (1769 Ruffec -1834 Ruffec) fut blessé plusieurs fois, et auteur de nombreuses actions d'éclat. Chevalier de Saint-Louis, Officier de la Légion d'honneur. Résumé de sa biographie : Pierre-Armand Pinoteau (né 6 septembre 1769 - Ruffec (Charente) ; décédé 24 mars 1834 - Ruffec (Charente)), chef de brigade (15 juin 1801), général de brigade (6 août 1811), 1er baron Pinoteau et de l'Empire (28 avril 1815, titre confirmé en 1862), Légionnaire (1811), puis, Officier de la Légion d'honneur (12 mars 1814), Chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis (24 septembre 1814), Écartelé : au 1, d'azur, à un sabre d'or, en bande, et une carabine d'or, en barre, passés en sautoir, au 2, d'argent à trois molettes à six rays de sable ; au 3, d'argent, au chevron d'azur, acc. de trois lapins courants de sable, au 4 d'azur au lion d'or armé et lampassé de gueules ; au canton des barons militaires brochant.
Pierre Armand Pinoteau, maréchal-de-camp, naquit à Ruffec, en Angoumois, le 5 octobre 1769. Il s'enrôla volontairement, au mois de juillet 1791, dans le 1er bataillon de la Charente, où il fut fait capitaine, le 17 octobre suivant. Il fit avec ce bataillon les premières campagnes de l'armée du Nord, sous les ordres des généraux Luckner, Diimourier et Dampierre. Il se trouva aux différents combats qui précédèrent la bataille de Jemmapes, et notamment au combat de Frameries, où son bataillon dégagea les hussards de Chamborant, qui se trouvaient enveloppés par les dragons de Cobourg, et par trois autres régiments ennemis. Il combattit à la bataille de Jemmapes, et aux diverses affaires qui eurent lieu dans la direction de l'armée sur Aix-la-Chapelle, et jusqu'à Linich, près de Juliers. Pendant la retraite de l'armée, son bataillon fut obligé d'enfoncer les portes d'Aix-la-Chapelle, que l'on traversa sous le feu des ennemis, qui s'étaient embusqués dans les maisons. Le capitaine Pinoteau combattit à la bataille de Neerwinde. Il faisait partie de la garnison de Valenciennes, lors du siège de cette place par les ennemis, et mérita une part des éloges que son bataillon reçut pour sa conduite pendant ce siège. Le chef du 1er bataillon de la Charente ayant été nommé général de brigade, le 22 août 1793, Pinoteau devint son premier aide-de-camp, le 15 septembre suivant. Employé en cette qualité à l'armée de l'Ouest, il s'y distingua en plusieurs occasions, et particulièrement au combat de Mortagne, où, voyant le général Beaupuy et ses troupes cernés par des forces considérables, il se mit à la tête d'un bataillon, et parvint à dégager la division française, après avoir fait éprouver une perte assez considérable aux Vendéens. Sur la demande de Beaupuy, le capitaine Pinoteau fut attaché pendant quelque temps à ce général, qui l'employa avec succès lors du passage de la Loire. Il fut nommé adjudant-général chef de bataillon, le 8 mars 1794 et adjudant-général chef de brigade, le 13 juin 1795. Il servit aux armées de Rhin-et-Moselle et du Rhin, sous les ordres des généraux Gouvion-Saint-Cyr, Michaud, Boursier et Desaix. Il combattit, en 1794, à Landshutt et à Kayserslautern; se trouva aux affaires qui eurent lieu dans la marche sur Mayence, et devant cette place, toutes les fois que les assiègés firent des sorties. Il commanda les troupes qui enlevèrent de nuit le village de la Wantzenau, sous les murs de Mayence : ce village était occupé par un corps de Croates, dits manteaux rouges, qui furent tous tués, blessés ou faits prisonniers. Le 28 octobre, à l'attaque des lignes de Mayence par les ennemis, se trouvant le seul officier supérieur d'état-major à la division Courtot, qui occupait l'extrême droite de la ligne française, Pinoteau défendit le terrain pied à pied, et conduisit la division jusqu'à la position indiquée en cas de retraite: ce fut là que le général Ferino vint prendre le commandement de cette division, en remplacement du général Courtot. Peu de temps après, Pinoteau passa à l'arrière-garde de l'armée, sous les ordres du général Desaix, qui lui confia plusieurs missions difficiles et périlleuses, notamment aux combats sur la Phrim et à Lambsheim. Lors de la retraite de la Phrim, un des bataillons de l'arrière-garde étant resté en arrière de l'armée ennemie, Pinoteau traversa cette armée, à la faveur de la nuit, et parvint à ramener le bataillon : le général Desaix félicita Pinoteau, et l'embrassa en présence des troupes. L'armée ayant achevé sa retraite, prit position sur les frontières de France, et l'on confia alors à Pinoteau le commandement des avant-postes en avant de Zuiscam, sous les ordres du général Joba: il enleva plusieurs postes de cavalerie aux ennemis. La perte qu'il avait faite de ses équipages pendant la retraite, et le besoin qu'il avait d'un peu de repos, engagèrent le général en chef à le faire passer à la 3e division de l'armée du Rhin, sous les ordres du général Bourcier. Une suspension d'armes ayant eu lieu quelque temps après, le général en chef donna à Pinoteau le commandement de trois régiments de cavalerie et d'une campagnie d'artillerie volante, pour les conduire dans le département des Vosges. Pinoteau fit observer dans ces corps la plus exacte discipline, et établit dans les distributions un si bon ordre, que les habitants, obligés de fournir les subsistances, n'eurent à se plaindre d'aucune dilapidation, et témoignèrent à Pinoteau toute leur reconnaissance et toute leur estime pour la conduite qu'il avait tenue avec eux dans cette circonstance. A la réorganisation générale des armées de la république, en 1795, Pinoteau, se trouvant un des plus jeunes adjudants-généraux, fut réformé; mais il eut du moins l'avantage de voir le général Desaix, qui avait su l'apprécier, témoigner son mécontentement de cette disposition. Il fut admis au traitement de réforme, le 28 octobre 1797. Au mois de décembre 1798, il reçut l'ordre de se rendre à Rennes, pour être employé dans l'une des demi-brigades que l'on y formait. Ayant moins d'ancienneté que les autres chefs, envoyés pour le même objet, il accepta le commandement du second bataillon de la 82e demi-brigade de ligne. Le général Moulin le détacha presque aussitôt, avec des troupes d'élite, et le chargea spécialement de poursuivre les chouans qu'il trouverait en armes dans la 13e division militaire. Pinoteau obtint des succès marquants pendant cette mission. Au moyen des mesures fermes et adroites qu'il sut prendre à propos, le repos, la tranquillité et la sécurité furent rétablies dans tout le pays de son commandement; les habitants, de quelque parti qu'ils fussent, applaudirent à ses mesures, et le gouvernement en témoigna sa satisfaction à Pinoteau, qui reçut même, à cet égard, une lettre flatteuse du ministre de la guerre Schérer.
En 1800, Pinoteau reçut le commandement de 2 bataillons de grenadiers, avec lesquels il marcha sous les ordres du général Brune, qui parvint à pacifier le Morbihan sans effusion de sang. En 1801, il fut envoyé à Tours, où il organisa 3 bataillons de grenadiers dont on lui donna le commandement. Ils étaient destinés à être employés à l'armée d'Italie; mais la paix de Campo Formio fit changer cette destination, et ils revinrent à Tours, où Pinoteau s'attacha à compléter leur instruction. Employés momentanément en Bretagne et sur les côtes, ils furent ensuite séparés, et envoyés aux corps respectifs dont ils dépendaient. Le général Bernadotte, satisfait de la conduite de Pinoteau, lui fit remettre un sabre portant cette inscription : «Le conseiller-d'état, général en chef Bernadotte, au chef de brigade Pinoteau, en récompense «de ses services à l'armée de l'Ouest.» Nommé chef titulaire de la 82e demi-brigade d'infanterie de ligne, le 15 juin 1801, il s'occupa avec zèle de la réorganisation de ce corps, dont toutes les parties étaient en souffrance, et parvint, en six mois, à en faire un des corps les plus beaux et les mieux disciplinés de l'armée. Dénoncé et signalé pour avoir manifesté des sentiments contraires au gouvernement consulaire, il fut arrêté, incarcéré à Paris dans la maison du Temple, et destitué, le 18 juillet 1802. Après 31 jours de détention au secret, il fut mis en liberté, et renvoyé dans ses foyers, où il resta sous la surveillance des autorités locales et sans traitement, jusqu'au mois de novembre 1808. Dans cet intervalle, il avait cependant été réintégré dans ses fonctions, avec ordre de se rendre à la Martinique, pour y prendre le commandement du 82e régiment de ligne; mais une décision postérieure s'opposa à ce qu'il prit ce commandement, et il resta à la disposition du ministre de la marine, mais toujours sans traitement. Nommé administrateur-général et commandant du Sénégal, le 7 septembre 1808, sa mauvaise santé l'empêcha d'accepter cet emploi, et il renvoya au ministre sa commission et les instructions qui y étaient jointes.
Ci-dessus, au début de la route postale à Ruffec, la route était bloquée ici au carrefour, le voyageur tournait de suite sur la gauche (rue de Valence où se tenait l'hôtel du Chêne Vert) pour rejoindre par le centre-ville le relais de poste place du Piolet. Mais en 1774, après un gros dossier, la route était ouverte tout droit vers le sud . L'hôtel de la Toque Blanche n'existait pas, pas plus que l'Hôtel de la Poste ou celui des Ambassadeurs. A droite, la rue de l'Hôpital.
Le 31 octobre 1808, Napoléon, passant à Ruffec, pour se rendre en Espagne, fit appeler le chef de brigade Pinoteau ; et, après l'avoir questionné sur l'état de sa santé et la possibilité de servir encore aux armées, il lui fit expédier, le 4 novembre, l'ordre de se rendre au grand-quartier-général. Pinoteau joignit ce quartier-général à Madrid, dans les premiers jours de décembre, et fut aussitôt employé comme chef d'état-major de cette place. Le 19 du même mois, il reçut ordre de rentrer au grand-quartier-général de l'armée, qui se dirigeait sur Valladolid.
Le 10 janvier 1809, il fut fait chef d'état-major de la division Heudelet, dépendante du au corps d'armée, et fit, en cette qualité, les campagnes d'Espagne et de Portugal, sous le maréchal duc de Dalmatie. A la retraite d'Oporto et de tout le Portugal, il fit partie des trois corps qui marchèrent sur les derrières de l'armée anglo-espagnole; et, après la bataille de Talaveira-de-la-Reyna, il fit partie des troupes qui exécutèrent des marches et contre-marches sur Liadajuz et Ciudad-Rodrigo : pendant ces mouvements, plusieurs combats furent livrés. Le 9 septembre 1810, il rentra en Portugal avec la division Heudelet. Le 27 du même mois, il fut blessé d'une balle sur le téton gauche, à la bataille de Busaco. Il commanda les avant-postes à Villa-Franca, sur le Taee et près de Lisbonne. A la seconde retraite de l'armée de Portugal, il eut un cheval tué sous lui, au combat de Sabugal, le 30 avril 1811. Le 5, à la bataille de Fuentès d'Onoro, on le chargea d'inquièter, avec une brigade d'infanterie, la gauche de l'armée ennemie. Il fut nommé membre de la Légion-d'Honneur, le 7 du même mois. Promu au grade de général de brigade, le 6 août suivant, il resta constamment à l'armée active, et commanda la 6e division de l'armée de Portugal, sous le duc de Raguse et le comte Reille, depuis le mois de juillet 1812 jusqu'au 12 avril 1813. Il commanda le blocus de Ciudad-Rodrigo, en avril 1812; combattit aux Arapilles, le 22 juillet, et y fut renversé de son cheval par des cavaliers anglais qui pénétrèrent dans son carré. Le même jour, il couvrit la retraite de l'armée avec les 17e régiment d'infanterie légère, le 65e de ligne, qui firent un feu très-meurtrier sur les colonnes anglaises jusqu'à 10 heures du soir. Au mois d'octobre 1812, l'armée, sous les ordres du comte Souham, ayant repris l'offensive, le général Pinoteau marcha à la tête de la 6e division. Il concourut aux brillants combats qui eurent lieu jusqu'auprès de Salamanque, et particulièrement au pont de Cabelon, où l'on enleva aux ennemis beaucoup de provisions et de bagages. Après un court séjour à Salamanque, il alla, avec la 6e division, cantonner à Medina-del-Campo et villes environnantes. Il s'y établit, le 22 novembre 1812, et y resta jusqu'au 12 avril 1813. Quoique cette partie de l'Espagne eût été épuisée par le séjour des armées ennemies, et le passage des Français, il parvint, au moyen de beaucoup d'ordre, à y assurer les subsistances de sa troupe, sans froisser les habitants. L'armée française ayant été réduite à 5 divisions, le général Pinoteau passa à la 5e de ces divisions, sous les ordres du général Maucune, le 12 avril 1813, jour où l'on commença à effectuer lentement la retraite. Le 12 juin, les ennemis qui suivaient l'armée française, se montrèrent en forces au village de Villagertines. Le général Pinoteau gagna alors les hauteurs de Médinilla, où le général en chef lui ordonna de se maintenir jusqu'à ce que l'armée eût passé le pont de Villabumeil sur la route de Burgos. Attaqué par cinq régiments de cavalerie, Pinoteau forma sa troupe en deux bataillons carrés que les ennemis ne purent entamer. Il fit éprouver à la cavalerie anglo-espagnole une perte assez considérable, n'eut que 7 hommes tués par le canon, et opéra en bon ordre le passage du pont de Villabumicl, toujours harcelé parla cavalerie anglaise. Le 18 juin 1813, la division Maucune marchant par la rive gauche de l'Ebre, pour se réunir à l'armée vers Osma, fut suivie par des forces ennemies très-supérieures. Cette division avait à traverser des gorges, dans lesquelles il était impossible de marcher deux de front. L'ennemi, qui avait filé derrière les montagnes, gagna du terrain sur les Français, plaça des forces au débouché du défilé, et distribua sur les montagnes plusieurs corps de troupes, dont le feu plongeait sur la division Maucune. Arrivé au débouché, Pinoteau se mit à la tête du 17e régiment d'infanterie légère, et, aidé par le colonel de ce régiment, il se fit jour entre les ennemis, et attendit de pied ferme le reste de sa brigade. Dans cette action hardie, il eut son chapeau traversé par une balle; un de ses aides-de-camp fut tué à ses côtés, et un second eut son cheval tué sous lui. Le général Pinoteau se trouva à l'attaque des positions de l'armée anglaise devant Pampelune, le 28 juillet. Le 30, il couvrit la retraite de l'armée qui se trouvait débordée par les deux flancs: sa brigade y éprouva de grandes pertes. Le 31, une partie de l'armée française ayant passé sur la rive gauche de la Bidassoa, afin, disait-on, de secourir la garnison de Saint-Sébastien, l'attaque fut dirigée sur la montagne de Saint-Martial, occupée par un camp espagnol. Pinoteau fut chargé d'attaquer le centre de ce camp, pendant que la division Lamartinière opérerait sur la droite. Pinoteau arriva avec quelques voltigeurs au sommet de la montagne; et déjà les troupes qui le suivaient, commençaient à y arriver, lorsque les Espagnols, qui venaient de repousser la division Lamartinière, se portèrent contre Pinoteau, et le forcèrent aussi à la retraite. La brigade Pinoteau perdit encore beaucoup de monde, et repassa la Bidassoa, le même jour, au soir. Le 7 octobre, Pinoteau commandait la droite des avant-postes et l'armée sur la Bidassoa jusqu'au pont d'Irun inclusivement. L'armée ennemie passa cette rivière à différents gués, notamment à celui en face de Fontarabie, et attaqua en masse tous les petits camps en arrière de la Bidassoa. Pinoteau, s'apercevant qu'une colonne anglaise cherchait à tourner la position dite du Café républicain, où se trouvait le 17e régiment d'infanterie légère, se mit à la tête des carabiniers de ce régiment, chargea vivement la colonne ennemie, et donna, par ce moyen, le temps au reste du régiment d'effectuer sa retraite. Le 10 novembre, les Anglo-Espagnols firent une attaque générale. Le général Pinoteau, qui occupait les avant-postes à la droite de l'armée, et à la hauteur d'Orogne, se retira sur la ligne de Saint-Jean-de-Luz, et fit couper, sous le feu de l'ennemi, un petit pont vers lequel se dirigeait une forte colonne anglaise, pour venir attaquer la droite des lignes. On se battit toute la journée; mais la droite de l'armée française ayant été battue, la gauche évacua les lignes de Saint-Jean-de-Luz pendant la nuit. Pinoteau y resta jusqu'à 4 heures du matin pour couvrir la retraite; après quoi il passa la Nivelle sur le pont de Saint-Jean-de Luz, que le général en chef fit détruire. Pinoteau combattit avec sa brigade à toutes les affaires qui ont eu lieu à la droite de l'armée, en avant de Bayonne, depuis le 12 novembre 1813 jusqn'au 20 janvier 1814. A cette dernière époque, la division Levai, dont sa brigade faisait partie, reçut l'ordre de partir en poste pour se rendre à la grande armée en France, et Pinoteau la suivit. Cette division arriva à Provins, le 7 février, et concourut à la seconde et belle affaire de Montmirail, le 15 du même mois. Dans cette journée, le général Pinoteau, avec une cinquantaine de voltigeurs des 130e régiment d'infanterie légère et 10e léger, précédé d'un tambour battant la charge, poursuivit les Prussiens jusqu'à 10 heures du soir, et les serra de si près, qu'arrivés près d'Ëtoges, ils jetèrent leurs armes et leur équipement pour se sauver plus vite. Le 27 février, le général Pinoteau fut blessé d'un coup de feu à la jambe droite et mis hors de combat, pendant la vigoureuse résistance que fit la division Levai en arrière et à gauche de Bar-sur-Aube. A cette affaire, la brigade Pinoteau forma 4 carrés que la nombreuse cavalerie des alliès n'osa pas charger; mais la mousqueterie, la mitraille et les boulets firent éprouver des pertes considérables à la division Levai, qui resta sous le feu le plus violent pendant 5 heures, et qui n'abandonna la position importante qu'elle occupait, qu'après en avoir reçu l'ordre positif du duc de Reggio : le capitaine Mimaud, aide-de-camp du général Pinoteau , fut mortellement blessé dans cette affaire. Le général Pinoteau fut nommé officier de la Légion-d'Honneur, le 12 mars suivant. Après la restauration du trône des Bourbons, le général Pinoteau, quoique n'étant pas encore guéri de sa blessure, reçut de S. M. Louis XVlII, le 24 mai 1814, le commandement du département de la Dordogne. Le 25 juillet suivant, il éclata à Périgueux une émeute populaire, occasionée par l'ordonnance royale, relative à la reprise des exercices sur les impôts indirects. Les soldats de la garnison, gagnés et peut-être même soldés par les mutins, appuyèrent le mouvement insurrectionnel, qui prit en peu de temps un caractère aussi sérieux qu'affligeant. Dans l'état d'ivresse où ils étaient, les soldats méconnurent la voix de leurs officiers, et poussèrent les choses jusqu'à croiser la baïonnette sur le général Pinoteau; cependant, en alliant la prudence à la fermeté, Pinoteau parvint à faire rentrer les soldats dans le devoir, à dissiper les attroupements et à faire exécuter l'ordonnance royale : les officiers de l'état-major et ceux de la garnison, le secondèrent parfaitement dans cette circonstance. Vers le 10 mars 1815, la garnison de Périgueux fut informée par des voies secrètes du débarquement de Buonaparte sur le territoire français, et , quelques jours après, de la défection des troupes royales sur divers points. Quoi qu'il en fût, le général Pinoteau maintint cette garnison dans l'obéissance au roi jusqu'au 27 mars; mais, à cette dernière époque, il céda à la force des circonstances, et surtout à la nécesité de prévenir l'anarchie et tous les maux qui pouvaient s'ensuivre. Il conserva son commandement pendant les cent jours, et y maintint l'ordre et la tranquillité. Après la seconde restauration, il y fut encore conservé; et, dans les mois de septembre et d'octobre, il licencia, par ordre, 8 régiments d'infanterie. Il venait de commencer le licenciement du 1er régiment de chasseurs à cheval de l'ex-garde impériale, lorsqu'il reçut, le 25 octobre, l'ordre de se rendre dans ses foyers pour y jouir du traitement de non activité. Par arrêté du préfet du département de la Charente, en date du 14 mai 1816, le général Pinoteau fut exilé à la Rochelle; mais cet exil ne dura qu'un mois. Le général Pinoteau a été classé, le 1er janvier 1819, parmi les maréchaux-de-camp disponibles. En 1815, Buonaparte lui avait accordé le titre de baron; mais cette nomination fut annulée au retour du roi, ainsi que toutes celles qui dataient de la même époque. (Etats et brevets militaires, Moniteur, annales du temps.)