Réempoissoner les rivières du Poitou-Charentes
AVERTISSEMENT : dans ces pages sur Nanteuil-en-Vallée, au risque de paraitre brouillon, j'ai multiplié les publications de sources historiques (parfois erronées, parfois incomplètes) afin de montrer l'importance de cette cité qui mériterait aujourd'hui une mise en valeur touristique performante. Saluons la municipalité de Nanteuil qui n'a pas hésité à acheter l'abbaye en vue de lancer les initiatives. Encourageons-là !
Résumé
Félix-Alexis (dit Eugène) Rouillon, acquit avec son frère Léon, l'ancienne abbaye et les terrains voisinant les ruines. Ce cirque et sa clairière exposés au midi étaient un merveilleux champ d'expérience pour un amateur d'horticulture.
Tout en respectant les ruines, qu'il conserva à grands frais dans le meilleur état possible, il construisit sur les pentes abritées des vents froids des terrasses en gradins dont les murs rustiques furent couverts d'arbres fruitiers en espalier, réservant aux gradins les poiriers en pyramide ou en quenouille et les pommiers sur cordons ou en plein vent.
Ainsi sont conservés depuis 1908 plus de cinq cents arbres comprenant les espèces les plus diverses et les plus renommées.
Sans doute, Eugène Rouillon trouvait-il son intérêt dans cette pomoculture de luxe, mais aussi, spectateur journalier de la ruée vers la capitale, son coeur de philanthrope le poussait-il à ne pas oublier le confort gastronomique du voyageur par force et à faire savourer les fruits les meilleurs à ceux qui, trop souvent, avaient à vivre loin de la table de famille.
Les mêmes intentions utiles et bienveillantes lui ont suggéré l'idée d'approvisionner les restaurateurs en truites vivantes.
C'était, en-effet, le désir des pisciculteurs, de donner le plaisir au consommateur de voir en aquarium la truite qui allait flatter son palais de gourmet.
Un essai en fut tenté à Nanteuil dès 1885 par une société de Ruffec (pisciculture de Nanteuil créée par M. Deux-Després). Ce groupement, au capital de 40.000 francs, commença les travaux de la Pisciculture.
La lenteur des transports à l'époque, l'insuffisance du matériel pour les voyages de longue durée jouèrent contre cet établissement de pisciculture en miniature. Il ferma ses portes en 1895.
Vers 1897, Eugène Rouillon et son frère Léon deviennent propriétaire de cette pisciculture et en même temps des ruines de l'abbaye.
Aidé par son gendre, Auguste Roy, il développa l'installation de l'ancienne société, augmenta le nombre des bassins et réalisa la Pisciculture actuelle.
Après sa mort, en 1924, Auguste Roy continua l'exploitation jusqu'en 1929, moment où la partie piscicole fut prise en location par la Fédération des Sociétés de pisciculture et de pêche des départements de l'Ouest, qui en changea le but commercial et borna son programme à ne produire que des alevins pour le repeuplement des cours d'eau.
Pour en savoir plus sur le premier établissement de pisciculture de Nanteuil-en-Vallée il faut sans doute consulter les ouvrages spécialisés de Gustave Chauvet (1840-1933) comme en 1883 : Essais de pisciculture dans la Charente, par Chauvet notaire à Ruffec.
Qui était Gustave Chauvet ? Lire : http://www.persee.fr/web/revues/
L'histoire des débuts de la pisciculture à Nanteuil reste encore à parfaire, si possible, m'en faire part, merci.
Le texte qui suit nous éclaire sur de nombreux points, y compris sur la propriété de l'abbaye.
Rapport fait, au nom de la section d'économie des animaux par M. Chabot-Karlen sur un mémoire de M. Després propriétaire de l'établissement piscicole de Nanteuil-en-Vallée (Charente) relatif à l'élevage des salmones par la nourriture morte.
Messieurs,
Lorsqu'il y a un an vous décerniez une de vos plus hautes et méritées récompenses à M. Rivoiron pour les résultats qu'il obtenait dans son établissement de Servagette (Isère), avec la nourriture de ses jeunes alevins par le vivant, votre Section d'économie des animaux était loin de penser qu'elle aurait, dès cette année, l'heureuse occasion d'appeler votre attention sur une autre partie de cet important problème de la pisciculture, l'alevinage par le mort.
C'est pourtant ce dont l'étude qui vous a été présentée par M. Després, propriétaire et fondateur de l'établissement de Nanteuil-en-Vallée (Charente), oblige votre Section à vous entretenir.
Deux systèmes, en apparence contradictoires, sont pourtant, messieurs, les mêmes facteurs d'un délicat problème dont la solution et les résultats peuvent être identiques, concourir au même but : le profit, cet effort dernier du producteur.
Depuis dix ou douze ans, avec MM. les forestiers du grand-duché de Luxembourg et leur chef si connu, M. Koltz, cette question du lancement direct au ruisseau, le réempoissonnement par les têtes de bassin, avait obtenu de tels succès, que cette question de l'alevinage semblait devoir n'être plus qu'un souvenir à jamais illustré par les travaux et les résultats obtenus au Collège de France, travaux et résultats à la suite desquels tous s'étaient mis à l'œuvre.
Mais, comme de situations différentes devaient naître forcément des moyens d'action différents, cette question de la nourriture de l'alevin par le mort fut reprise en Ecosse par M. Maitland Gibson dans cet opulent établissement d'Howictoun que, grâce à l'initiative de l'administration de l'agriculture, nous avons fait connaître en 1882.
Un an ou deux plus tard, M. Rivoiron, à Servagette (Isère), se posait et résolvait lui-même le problème contraire, c'est-à-dire l'alevinage des jeunes salmones par le vivant.
Le rapport que notre Section d'économie des animaux vous adressa n'est-il pas d'hier ?
Ces faits rapidement énumérés pour la position de la question, voyons comment du fond de l'Ecosse, d'une part, et de Servagette, de l'autre, nous allons nous transporter sur les bords de la Charente.
A peu près à la même époque qu'on créait Howictoun pour l'empoissonnement des eaux de la basse Écosse, quelques amis du bien public, sous l'active poussée d'un lutteur vaillant et persévérant, qui n'en était pas à son coup d'essai, M. Chauvet, notaire à Ruffec, formèrent une Société de pisciculture, achetèrent les bâtiments de l'ancienne abbaye de Nanteuil et y décidèrent l'installation d'un établissement, à la tête duquel fut mis M. Després, ancien avocat au barreau de Poitiers.
Dans l'étude que vous adresse M. Després, il commence par dire que ses opérations, avec des alternatives de revers et de succès, ont depuis plusieurs années porté sur toutes les questions qui touchent à la pisciculture : fécondation, incubation, période de résorption de l'ombilic, et élevage des alevins et des adultes.
Le développement de l'embryon a, nous dit-il, spécialement fixé son attention. Tout cela serait un peu vague et ne nous apprendrait pas grand'chose, s'il n'insistait avec raison sur un point fort important, et dont l'observation première lui reviendra tout entière. C'est entre le troisième et le quatrième jour avant la résorption définitive de la vésicule que le jeune alevin prendrait faim et commencerait à manger, et cela, non en se jetant sur sa proie, mais en l'attendant. Ce ne serait que six ou sept jours après qu'il quitterait le caillou près duquel il se tient couché, qu'il s'élancerait sur elle, la happant lorsqu'elle est encore en mouvement dans l'eau.
Le lancement de l'alevin en grande eau est un de ces non-sens qui sont condamnés aujourd'hui sans retour ; les insuccès continus des dix dernières années de Huningue (François) ne sont-ils pas connus de tous !
C'est un point qui ne se discute plus. Dans l'ordre des faits que nous cite l'auteur de la présente étude, nous admettrons donc avec lui la nécessité de nourrir l'alevin pour lui donner la force de lutter contre les nombreux ennemis de l'air, de la terre et de l'onde qui le guettent à cette époque si délicate et dangereuse de son existence.
L'auteur entre alors dans la description des moyens à employer pour atteindre ce double but : protection et nutrition des jeunes, et nous semble, en effet, y avoir réussi si, comme il nous le dit, il est arrivé à garantir 90 pour 100 de ses alevins. A Howictoun, c'est sur le poids (1/50e du poids vivant) que se fixe la nourriture à donner, procédé qui nous semble plus scientifique et en même temps plus pratique que celui des à peu près, sans précision d'âge et de développement.
Simple observation qui ne touche en rien aux résultats obtenus, mais seulement aux moyens de les obtenir.
Quant au choix de l'aliment, il va de soi qu'il sera forcément déterminé par les milieux dans lesquels on opérera.
A Howictoun, les mollusques entrent pour plus de la moitié, ce qui ne saurait être le cas de Nanteuil, où alors cervelles, sang et limaces peuvent facilement remplacer ces produits de la côte dont tous les alevins de salmones sont si friands.
L'alevin ainsi élevé et fortifié peut alors être confié aux milieux dans lesquels il doit se développer. L'auteur passant à l'application propose l'empoissonnement du bassin de la Charente. Telle est la seconde partie de cette étude sur laquelle il reste à votre Section à vous renseigner.
Tout d'abord, nous aurions à demander à M. Després :
Vous nous parlez de la livraison possible de plusieurs centaines de milliers d'alevins, soit; mais à combien vous reviendraient-ils ?
Les prix pouvant varier de 30 à 150 francs le 1.000, soit de 3 à 15 centimes la pièce, nous en avons vu vendre 50 centimes la pièce à trois mois, dont le prix de revient n'avait pas dépassé 1 centime à l'éclosion.
Il y a là des points essentiels sur lesquels il importe avant tout de se bien comprendre.
Sous cette réserve, abordons donc avec notre auteur cette intéressante question de l'empoissonnement du bassin de la Charente.
Cette rivière reçoit quarante-huit ruisseaux sur une longueur totale de 215 kilomètres, dont seulement 93 navigables ; sa profondeur moyenne est de plus de 3 mètres; elle a une température qui, à 1 mètre, ne dépasse pas 15 degrés.
Ses bords ombreux et ses rives herbues protègent toutes les petites espèces au milieu desquelles vivent encore, mais où vivaient autrefois, grâce aux affluents dont nous venons de parler, la grande et belle famille des salmones : la Charente étant, par Rochefort, en communication avec la mer.
En 1882, une expérience d'acclimatation des Fontinalis y fut faite et eut les plus heureux résultats, constatés par une des plus hautes récompenses de la Société désacclimatation, grâce à un de nos plus sympathiques et savants confrères. M. de Quatrefages.
Par ce passé, l'avenir visé par M. Després ne ferait donc nul doute, ce qui est aussi l'avis de votre Section.
Comment réaliser ces espérances, contre lesquelles l'auteur ne formule, avec raison, que les trois objections suivantes :
1° Indifférence de tous ;
2° Ravages incessants des maraudeurs ;
3° Et enfin les barrages, auxquels M. Després opposerait :
1° Le réempoissonnement avec l'alevinage par le mort ;
2° L'établissement de laboratoires d'éclosion ;
3° L'application des règlements de 1865 sur les barrages à échelles pour assurer la liberté de l'eau aux pauvres bêtes, et surtout la sévère observation de votre vœu du 6 janvier dernier sur la protection des poissons en temps de frai.
Les moyens proposés seraient :
1° L'application à cette opération du prix de fermage, qui se monte à 17.371 francs, soit environ 186 francs par kilomètre, résultat d'une éloquence significative, quand on sait que le Doubs, depuis la réorganisation des réserves, n'atteint pas plus de 171 francs. Nous n'avons que 2 francs avec la Durance. Le prix moyen pour la France était, en 1880, de 68 francs par kilomètre ;
2° Abandonner deux ans cette allocation, contre laquelle on verserait annuellement 500.000 alevins dans les 2.790 hectares d'eau de la Charente.
L'auteur n'hésite pas à avancer qu'un syndicat se formerait aussitôt pour prendre, en le triplant, le revenu perçu actuellement, mais à l'expresse condition d'un bail de dix à quinze ans.
Nous nous associerons d'autant mieux à ces espérances, que les résultats obtenus en Écosse avec la Loak Leven Trout de la Stirling river, réempoissonnée par les alevins d'Howictoun livrés par M. Maitland Gibson, ont, en cinq ans, été plus que sextuplés.
Votre Section recommande à votre plus haute attention cette question de réempoissonnement de la Charente par les moyens que l'auteur de la présente étude vient de lui permettre de vous exposer.
En ce qui concerne M. Després, votre Section d'économie des animaux vous propose de lui accorder la médaille d'argent.
Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
Conseil général de la Charente, 18 août 1880
Établissement de pisciculture de Nanteuil-en-Vallée.
Dans votre session du mois d'août 1879, vous aviez chargé l'administration de se mettre en rapport avec le service hydraulique au sujet de la demande de subvention formée par l'établissement de pisciculture de Nanteuil-en-Vallée.
Le rapport des agents du service hydraulique ne m'étant pas parvenu à temps pour que l'affaire vous fût soumise au mois d'avril dernier, j'ai l'honneur de vous communiquer le dossier qui m'a été adressé par M. l'ingénieur en chef.
Sur la Charente navigable, la pêche est affermée au profit de l'Etat, moyennant une somme annuelle de 18,290 fr.
Un établissement de pisciculture, fondé à Nanteuil-en-Vallée, s'est adressé au Conseil général pour obtenir une subvention.
Conformément à une décision prise par celte assemblée dans sa session d'avril 1879, l'affaire a fait l'objet d'un rapport spécial que nous avons adressé à l'administration et dont les conclusions sont favorables à la demande des fondateurs de l'établissement.
Rapport de la Commission.
Demande de subvention de l'établissement de pisciculture de Nanteuil-en-Vallée
Messieurs, pour la seconde fois, la Société de pisciculture de Nanteuil s'adresse au Conseil général dans le but d'obtenir une subvention.
A la session d'août 1879, votre commission des finances, fout en reconnaissant l'utilité de cet établissement, n'avait pas cru devoir, et avec raison, selon nous, vous proposer une subvention directe.
Mais un membre du Conseil, rappelant les précédents qui avaient existé lorsque Huningue appartenait à là France, avait demandé à ce que le service hydraulique fût invité à se mettre en rapport avec la Société dé Nanteuil, afin de voir ce qu'il serait possible de faire pour le repeuplement des cours d'eau du département.
Cette proposition fut volée par le Conseil général, et M. l'ingénieur des ponts et chaussées nous fait connaître, dans un rapport joint au dossier, son appréciation, on ne peut plus favorable du reste, sur l'établissement de pisciculture de Nanteuil, et il indique en même temps de quelle manière il serait possible d'entrer dans les vues du Conseil général.
Un certain nombre d'oeufs fécondés ou d'alevins seraient pris à Nanteuil, pour servir, sous la direction et la surveillance des conducteurs des ponts et chaussées, à repeupler les cours d'eau
du département.
Son Exc. M. le Ministre des travaux publics à également été saisie de là question, et son attention a été appelée sur l'établissement de Nanteuil par le rapport annuel dé M. l'ingénieur en chef des ponts et chaussées.
Par deux lettres jointes au dossier, M. le Ministre demande, à la date du 15 mai, un rapport complémentaire à M. l'ingénieur chargé du service hydraulique ; et enfin, le 6 août dernier, il annonce qu'il vient d'ouvrir à M. le Préfet de la Charente un crédit de 450 fr., destiné à l'acquisition d'oeufs fécondés et provenant de l'établissement de Nanteuil, pour être ensuite répandus, par les soins du service hydraulique, dans tous les cours d'eau du département. Cette décision, Messieurs, nous indique la voie à suivre. Les intérêts de notre département, le repeuplement de nos rivières doivent appeler noire sollicitude et nous préoccuper tout autant que M. le Ministre des travaux publics ; aussi votre commission n'hésite-t-elle pas à vous proposer d'inscrire au budget une somme de 300 fr., qui sera mise à la disposition du service hydraulique, pour être employée, par ses soins, à répandre dans nos cours d'eau soit des oeufs, soit des alevins pris a l'établissement de Nanteuil.
Votre commission, Messieurs, a pensé aussi que lorsque cette initiative bienveillante de M. le Ministre ainsi que le vote que nous vous demandons d'émettre seraient connus, les communes, les particuliers mêmes suivraient la voie que nous leur indiquons aujourd'hui.
La pisciculture dans nos régions de l'Ouest, si bien dotées de cours d'eau, n'existe pas, et cependant elle demande bien peu de dépenses et d'efforts.
Quelques départements, le Puy-de-Dôme entre autres, ont créé exclusivement à leurs frais des établissements de pisciculture.
Dans la Charente, nous avons la bonne fortune d'en rencontrer un qui fonctionne dans d'excellentes conditions et qui peut nous fournir, ainsi qu'aux départements voisins, des sujets en nombre suffisant pour repeupler nos rivières.
Ganivet dit qu'il y a lieu de veiller à ce qu'on ne mette dans nos rivières que les espèces de poissons qui peuvent y vivre.
D'Hémery répond qu'il s'agit en ce moment d'une seule espèce de poisson : la truite.
Le Président constate que la mesure dont il est question est un début. Suivant ses résultats, qui seront très probablement favorables, le Conseil pourra continuer ses allocations et les attribuer à d'autres poissons et à d'autres rivières que celles où la truite réussit.
Le Secrétaire général remercie le Conseil d'avoir accepté les propositions de l'administration. La mesure qui vient d'être adoptée présente un caractère de réelle importance et mérite une attention particulière. L'administration est heureuse de témoigner chaudement la satisfaction qu'elle en éprouve.
Conseil général de la Charente, août 1881
Le Conseil général de la Charente attribue 300 fr. pour subvention à la Société de pisciculture de Nanteuil-en-Vallée.
Les essais de pisciculture qui avaient été commencés par les ingénieurs en 1865, et qui avaient dû être interrompus à la suite des événements de 1870-1871, ont été continués en 1880, par le versement dans les rivières de la haute Charente, de la Bohême, de la Charreau et de la Bonnieure de soixante mille petites anguilles provenant du service maritime de la Gironde.
Pour aider à la propagation des espèces précieuses, des frayères réservées ont été créées sur plusieurs points de la Charente navigable : leur nombre et les emplacements ont été définitivement réglés par décret du 12 janvier 1875.
Il existe dans le département, à Nanteuil-en-Vallée, un établissement de pisciculture qui nous a paru en bonne voie de prospérité. On y a fécondé en 1880 cent mille oeufs provenant de poissons élevés dans l'établissement.
Nous n'avons pu utiliser en 1880 le crédit de 300 fr. alloué pour achat d'oeufs fécondés à cet établissement, par suite de son refus de fournir à l'administration des oeufs fécondés au prix de 3 fr. le mille, spécifié dans la décision ministérielle du 6 août 1880.
Séance du 25 août 1881.
D'Hémery, rapporteur.
Rapport de la Commission.
Messieurs, au mois d'avril dernier, vous avez renvoyé à la session actuelle, pour statuer, une demande de la Société de pisciculture de Nanteuil.
Au projet de budget pour 1882, présenté par M. le Préfet, figure sous cette dénomination : subvention à l'établissement de pisciculture de Nanteuil, un crédit de 300 fr. En se reportant à la délibération d'août 1880, on lit textuellement que le Conseil général n'entend pas donner de subvention directe à l'établissement de pisciculture de Nanteuil, mais qu'il met un crédit de 300 fr. à la disposition du service des ponts et chaussées pour acheter des oeufs fécondés, destinés à peupler les cours d'eau du département.
M. l'ingénieur chargé du service hydraulique nous signale, dans son rapport, l'état prospère de l'établissement de Nanteuil, qu'il a visité ; mais il ajoute que les 300 fr. votés par le Conseil général n'ont pu être employés, l'établissement de Nanteuil n'ayant pas voulu accepter le prix de 3 fr. par mille des oeufs fécondés. Ce prix, paraît-il, aurait été fixé par M. le Ministre pour le crédit qu'il avait accordé à Nanteuil.
Nous ne pouvons que regretter, Messieurs, cet état de choses. Le prix indiqué plus haut est-il suffisamment rémunérateur?
Nous ne le pensons pas. Toutefois, en vous demandant d'inscrire un crédit de 300 fr. au budget de 1882, et dans les mêmes conditions que l'année dernière, nous faisons remarquer à M. l'ingénieur qu'il ne peut être absolument tenu à observer pour le crédit départemental les conditions posées par M. le Ministre pour les fonds de l'Etat seulement, et, d'un autre côté, nous disons à l'établissement de Nanteuil qu'il s'agit d'un service départemental, et que tous les sacrifices possibles doivent être faits par lui pour concourir au repeuplement de nos cours d'eau.
Le Président dit que l'établissement de Nanteuil voudrait que le prix de mille oeufs fécondés soit fixé à 20 fr. ; le Gouvernement avait donné 3 fr. seulement.
M. d'Hémery croit que l'entente s'établira entre l'établissement et MM. les ingénieurs. II fait bien remarquer qu'il ne s'agit point d'une subvention accordée à cet établissement, mais bien d'un crédit mis à la disposition des ponts et chaussées pour l'achat d'oeufs fécondés destinés aux cours d'eau du
département. Le prix de 3 fr. indiqué par l'Etat ne concernait que la subvention qu'il donnait, mais ne liait pas M. l'ingénieur pour l'allocation du département.
Les conclusions de la commission sont adoptées.
1884 Société d'Acclimatation
M. Després écrit de Nanteuil-en-Vallée : «La Société d'Acclimatation a bien voulu m'envoyer, l'hiver dernier, des oeufs fécondés de Salmo fontinalis, pour encourager les essais d'élevages que je fais, comme Directeur gérant de l'Établissement de pisciculture de Nanteuil-en-Vallée (Charente). D'un autre côté l'État, après un rapport favorable émanant de la Préfecture, m'a accordé personnellement une petite subvention pour seconder mes efforts.
Je viens demander, pour cette année encore, à la Société d'Acclimatation, de me confier un petit lot d'oeufs fécondés de la même espèce.
Les précédents envois qui m'ont été faits ont donné des résultats. J'ai actuellement une centaine de Salmo fontinalis, âgés de vingt mois environ, dont quelques-uns dépassent la taille de 20 centimètres ; ce sont ceux qui ont reçu, comme alimentation complémentaire, de la viande de cheval hachée menu. Les autres, qui n'ont eu à leur disposition que l'alimentation naturelle qu'ils ont pu recueillir dans un bassin assez spacieux, meublé de plantes aquatiques, présentent un moindre développement ; mais leur santé et leur vivacité ne laissent rien à désirer. Cette expérience comparative me prouve qu'il est nécessaire de leur distribuer, vers l'âge de sept à huit mois, une alimentation artificielle complétant celle qu'ils peuvent rencontrer dans les eaux, et qui est sans doute insuffisante pour leur permettre d'arriver à un beau développement.
Les sujets de l'année dernière sont également jolis ; ils sont encore trop petits pour que je puisse en préciser le nombre. Une crue d'eau m'en a fait perdre une partie, par suite d'une mauvaise disposition du bassin qui les contient ; j'y ai porté remède et je veillerai désormais avec soin à ce que pareil accident ne se renouvelle pas. Les sujets échappés vont probablement s'élever dans la petite rivière qui coule à la suite de l'établissement.
J'espère réaliser quelques fécondations artificielles sur les plus beaux sujets de deux ans, mais je ne suis pas assez sûr du résultat pour m'en contenter, et c'est pour cela que je serais heureux d'obtenir un nouvel envoi d'oeufs de la Société d'Acclimatation.
1884 - M. Chauvet (1840-1933), de Nanteuil-en-Vallée (Charente), a appliqué à ces essais la subvention que la Société piscicole de Nanteuil a reçue de l'Association française."L'Association française a bien voulu accorder une subvention à l'établissement de pisciculture de Nanteuil-en-Vallée (Charente), dirigé par M. Deux-Després. Cette subvention devait être consacrée à l'acclimatation du salmo-fonlinalz's." (Association française pour l'avancement des sciences - 1885)
"Une médaille d'argent à M. Després, à Nanteuil-en-Vallée, en 1886."
Cette étape prendra fin en 1895.
Conseil général de la Charente Août, 1886.
Subvention à la Société de pisciculture de Nanteuil-en-Vallée.
Il existe dans le département, à Nanteuil-en-Vallée, dans l'arrondissement de Ruffec, un établissement de pisciculture fondé par une société particulière. Afin de lui venir en aide, M. le Ministre des travaux publics a autorisé l'acquisition, en 1882, moyennant la somme de 448 fr., de 10,000 de ses alevins de truites, qui ont été distribués dans la Charente, entre Condac et Montignac, en amont d'Angoulême.
Cet établissement peut être appelé à rendre d'utiles services à l'alimentation par suite des conditions avantageuses dans lesquelles il se trouve placé. Avec la source qui alimente ses réservoirs, il peut obtenir d'une manière toute spéciale l'écIosion et la fécondation des oeufs; il a renouvelé ses appareils et a obtenu de beaux résultats pour l'éclosion de ses oeufs.
M. le directeur de cet établissement avait demandé en janvier 1886 à M. le Ministre des travaux publics une subvention de 1,000 fr. Mais M. le Ministre n'a pas cru devoir l'accueillir, par la raison que l'établissement dont il s'agit n'offre pas le caractère d'intérêt général qui seul pourrait justifier l'allocation d'une subvention sur les fonds de l'Etat, ajoutant, d'ailleurs, que c'est surtout aux départements intéressés aux essais d'empoissonnement de leurs rivières qu'il appartient de venir en aide aux entreprises de cette nature.
Les pibales et les truites répandues dans les différents cours d'eau du département paraissent avoir produit d'heureux résultats, car, d'une part, on pêche une plus grande quantité d'anguilles dont la grosseur correspond à l'époque des premières distributions, et l'on a pris des truites dans la partie supérieure de la Charente où l'on n'en rencontrait pour ainsi dire plus.
Le Conseil général de la Charente attribue 200 fr. pour subvention à la Société de pisciculture de Nanteuil-en-Vallée, dirigée par M. Desprez.
Conseil général de la Charente, 1889.
L'établissement de Nanteuil-en-Vallée, auquel le département avait alloué une subvention de 200 fr. pour 1889, n'existe plus. Le crédit de pareille somme se trouve ainsi sans emploi.
L'établissement de pisciculture de Nanteuil-en-Vallée, auquel le département avait eu recours pour se procurer des alevins de truites, n'existe plus aujourd'hui, ce qui est très regrettable, car il aurait pu rendre d'utiles services à l'alimentation.
L'aventure Rouillon
"Félix-Aléxis Rouillon, selon le cliché trivial, laconique, mais toujours expressif, est le "fils de ses œuvres". Né dans ce département de la Charente (totalement faux, il est né dans la Vienne) qu'il devait doter plus tard du magnifique établissement sur lequel nous venons de jeter un rapide coup d'œil, il y vécut la pénible et difficile enfance des fils du peuple, à la campagne. Mais, taillé en force et débordant d'énergie, il secoua de bonne heure la poussière de ses sabots sur les guérets de l'Angoumois (faux également), et commença, à travers la France, d'abord, à travers l'Europe, ensuite, une série de voyages dont chacun d'eux forma comme un maillon de la chaîne de perfectionnement et de progrès qu'il se forgeait opiniâtrement. Il vécut de dures heures. Le souvenir de ces heures, d'ailleurs, appartient à sa vie intime, et dans ces brèves notes, nous n'entendons parler que de ce qui, par quelque côté, se rattache à sa qualité de pisciculteur.
En 1897, l'Abbaye de Nanteuil étant à vendre, F.-A. Rouillon n'hésita pas - enthousiasmé par la situation, la qualité et l'importance de la source, - à l'achat de la propriété, et dans le but de donner à l'embryon de pisciculture qui s'y trouvait tout le développement dont il le croyait susceptible.Il ne peut pas oublier, davantage, le secours fraternel et efficace que, dans l'occasion, lui prêta son aimable et sympathique cadet, M. Léon Rouillon, en s'associant avec lui pour l'achat et la première mise au point de l'Abbaye de Nanteuil, non plus que le zèle compétent et l'empressement affectueux de son gendre, M. Auguste Roy."
Qui sont les Rouillon ?
Généalogie des Rouillon Ruffec-Nanteuil
(Jean) Pierre ROUILLON (journalier, né le 10 novembre 1821 à Ayron dans la Vienne, décédé le 29 mai 1871 à Ligugé) époux de Madeleine BIREAU (journalière, née en 1824 à Benassay - Vienne -, décédée le 16 août 1871 à Ligugé - Vienne) eurent :
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Victorine ROUILLON, née 1847 vers Poitiers (décédée à Ligugé le 6 avril 1868)
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Marie ROUILLON née 1851 vers Poitiers
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Félix Alexis ROUILLON dit Eugène, pisciculteur), né le 30 mai 1854 à Quinçay (près Poitiers) et décédé le 23 septembre 1925 à Nanteuil-en-Vallée ; veuf en premières noces d'Augustine Adrienne Roy (dcd à Nanteuil le 17 août 1908, née à Cheü dans l'Yonne, 53 ans, fille de Edme Joseph Roy et d'Augustine Tremblaye, tous les deux dcd), et veuf en secondes noces de Marie Victoire Angladon.
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Radegonde Rouillon née le 12 décembre 1856 à Vouneuil-sous-Biard (dcd jeune sans doute puisque ne figure pas en 1861 au recencement de Ligugé.)
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Léonie ROUILLON, née 1857 vers Poitiers
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Louis Léon ROUILLON, né en 1859 à Vouneil-sous-Biard (86), décédé ?
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Florentine ROUILLON, née 1863 vers Poitiers.
Mariage de Louis Léon ROUILLON et de Clémence CHARAUDEAU, le 29 Juin 1886 à Montluçon.
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Louis Léon ROUILLON, restaurateur, est âgé de 26 ans, et demeure à Poitiers (Vienne), au buffet de la Gare. Il est né à Vouneuil-sous-Biard, canton de Poitiers, le 15 août 1859, fils majeur et légitime de Pierre ROUILLON et de Madeleine BIREAU, tous les deux décédés à Ligugé (Vienne), Pierre le 29 mai 1871, et Madeleine le 16 août 1871.
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Clémence Florentine CHARODEAU, sans profession, âgée de 20 ans, demeurant à Montluçon où elle est née le 10 Janvier 1866, fille mineure et légitime de Florentin CHARODEAU, mécanicien au Chemin de Fer d’Orléans, et de Clémence LACHAT, sans profession, domiciliés au Pavé de cette commune. Elle est décédée en 1934 et inhumée à Nanteuil-en-Vallée.
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d'où Roger ROUILLON, né 1887 à Quimper, épouse Germaine LEMETAYER le 28/9/1893 à Angoulême, elle sera déportée et décédera le 9/3/1945 à Ravensbrück.
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puis Léon (qui a écrit en 1920 à l'abbaye cet ouvrage : http://www.tetedeturc.com/home/spip.php?article558), puis Henri et Roger.
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et Henri Rouillon, père de Pierre (fusillé) et René (dcd en 2004 à Paris).
Louis Léon ROUILLON (orphelin à Ligugé à 12 ans, a dû se former comme cuisinier), il oeuvre au Buffet de la gare de Poitiers en 1886 puis à Quimper (où nait Roger en 1887) ; il s'installe à Paris et réussit à devenir le patron du buffet de la gare d'Austerlitz où il amasse une petite fortune. Il en confiera plus tard la gestion à son fils Henri Rouillon. Lui-même, vers 1905, reprend le buffet de la gare de Tours (il y réside en 1908).
Ainsi va cette nouvelle famille d'hôteliers : le décès de Félix Alexis ROUILLON dit Eugène, pisciculteur), né le 30 mai 1854 à Quinçay (près Poitiers) et décédé le 23 septembre 1925 à Nanteuil-en-Vallée (veuf en premières noces d'Augustine Adrienne Roy, et veuf en secondes noces de Marie Victoire Angladon) est déclaré par son gendre, Théodore Roy, 52 ans, hôtelier, domicilié au buffet de la gare d'Orléans à Angoulême.
En 1908, lors du décès d'Augustine Roy, c'était son gendre Auguste Roy qui faisait la déclaration en mairie. Théodore et Auguste sont peut-être une seule et même personne ?
F. A. Rouilon a repris la pisciculture vers 1897.
Conseil général de la Charente 1919.
Pisciculture, une subvention de 2.000 fr. allouée par l'Etat a été employée à l'acquisition de 6.668 alevins de truites d'Ecosse de un an, fournis par l'établissement de pisciculture de Nanteuil-en-Vallée.
Ces alevins ont été immergés dans les cours d'eau du département comme suit :
800 dans la Charente, à Mansle.
600 dans la Charente, à Condac.
600 dans l'Osme, à Villejésus.
400 dans la, Bohême, à La Couronne.
400 dans la Bohême, à Mouthiers.
600 dans la Nizonne, à Gurat.
600 dans la Touvre, à Magnac.
800 dans la Dronne, à Aubeterre.
600 dans l'Argent-Or, à Poursac.
800 dans la Lizonne, à Bioussac.
468 dans la Bonnieure, à Saint-Ciers.
Total : 6 668
Les immersions se sont faites en juin et en décembre dans d'excellentes conditions sans que les jeunes salmonidés aient eu à souffrir du transports. Ces travaux de ré-empoissonnement donnent les meilleurs résultats ; la truite se reproduit et devient, chaque année, de plus en plus abondante dans tous les cours d'eau du département.
Visite des élus.
Le 26 mai 1919, le Conseil général de la Charente est en visite à l'établissement de pisciculture de M. Rouillon, à Nanteuil-en-Vallée. Un des plus beaux parmi les établissements de même ordre. Nous avons vu là l'utilisation la plus intelligente d'une source. Installation pour la fécondation artificielle ; bassins d'alevinage; bassins à reproducteurs (truites d'Ecosse et truites de la Touvée), tout y est parfait, voire même le jardin fruitier et le parc d'agrément qui font un cadre magnifique à l'installation piscicole.
Carrières de Nanteuil-en-Vallée.
Etude géologique des plus instructives sur les calcaires colithiques et les marnes bleues du lias.
Terres de la région de Ruffec.
Revenant à pied de Nanteuil à Ruffec, nous avons fait une étude fructueuse, quoique rapide, des terres rouges à châtaigniers et à fougères, des groies à silex, et de la végétation spontanée de ces terrains. Nous avons admiré, en même temps, les belles cultures de céréales et les luzernes, vigoureuses de cette contrée.
Conseil général de la Charente 1920.
Pisciculture.
Une subvention de 1.000 francs, allouée par l'Etat a été employée à l'acquisition de 3.334 alevins de truites d'Ecosse de un an, fournis par l'établissement de pisciculture de Nanteuil-en-Vallée. Ces alevins ont été immergés dans les cours d'eau du département où la truite est assez abondante.
En 1931, le congrès de la société «L'arbre et l'eau» visite Nanteuil.
L'Abbaye.
Il y eut à Nanteuil, pendant de longues années. une abbaye bénédictine. La fondation de cette abbaye, selon Pierre de Saint-Romuald, serait due à Charlemagne, en l'année 780. Saint Branquaire et sainte Pie, sa sœur, y eurent leur tombeau. Au Xe siècle, les Normands brûlèrent l'abbaye. Guillaume le Noble releva le monastère en 986 et la Tour du trésor lui fut adjointe au XIe siècle. Les ruines actuelles montrent qu'il y eut à Nanteuil une grande église de style roman avec transept et collatéraux. De 1459 à 1465, l'abbaye fut surprise et brûlée deux fois par les Anglais et ses richesses en furent dispersées. En 1467, Aymery Il Texier releva les ruines et réunit les ossements épars dans la salle basse du trésor, dont la salle haute fut transformée en chapelle.
Les bassins de Nanteuil-la-Vallée.
L'abbaye de Nanteuil fut supprimée par décret de l'évêque de Poitiers le 10 novembre 1770. Le dernier Bénédictin, Dom François de Pindray, y mourut en 1790 et la période révolutionnaire acheva l'oeuvre de dispersion et d'anéantissement.
Vers 1908, M. Félix-Alexis Rouillon, propriétaire du cirque où s'élèvent les restes de l'église et de l'abbaye, profita (1) de l'admirable emplacement dont il disposait pour y installer deux choses : un verger pomologique et un établissement de pisciculture.
(1) L'aventure avait débuté dès 1900 pour la pisciculture et en 1908, c'est le verger pomologique qui est installé.
Le verger pomologique fut tracé par M. A. Nomblot, pépiniériste à Bourg-la-Reine. «Les fruits aux noms fameux, qui illustrent la pomologie de la France, sont là tous représentés par leurs meilleurs spécimens ; ils s'alignent, suspendus aux verriers à trois, quatre ou cinq branches, sur les espaliers de mur ou les contre-espaliers, ou bien s'érigent sur les losanges et les pyramides de ces rois de toutes les plantations forestières : Poiriers et Pommiers.»
Les participants au congrès admirent les bassins.
Mais ce sont les bassins de pisciculture qui furent l'oeuvre principale de M. F.-A. Bouillon. Une source les alimente. Cette source, dont le débit n'est jamais inférieur à 2.000 litres à la minute, même après les années d'extrême sécheresse, surgit des entrailles du coteau sous la forme d'une petite rivière souterraine qui, pour venir à la lumière du jour, s'est taillé dans le rocher une grotte dont l'orifice, voilé de lianes, semble vouloir préparer le regard à l'apparition de quelque divinité mythologique, sirène ou naïade tapie dans la fraicheur de Ponde.» (1)
L'eau ainsi procurée alimente 25 bassins qui se succèdent sur 16 mètres de hauteur. Le premier des bassins est un grand réservoir d'une contenance de 250 mètres cubes environ, qui est destiné à aérer l'eau, à la décanter abondamment. Suivent les bassins d'un établissement de pisciculture spécialisé dans l'élevage de la truite. M. F.-A. Rouillon avait importé des races de truites de l'Amérique du Nord (irredeus, fontinalis, fario et steelhead) prises aux lieux mêmes d'origine. Il avait fait venir des truites d'Ecosse, qui provenaient de l'établissement de Solway. Désireux de créer une race, il tenta le croisement de la truite d'Ecosse avec la truite indigène de la Touvre.
Outre le repeuplement par alevins que l'établissement de Nanteuil-en-Vallée pratiquait sous le contrôle de l'Administration des Eaux et Forêts, M. F.-A. Rouillon avait organisé la production de truites de grandeur moyenne, pesant environ 125 grammes, destinées à la consommation. Telle était la raison d'être de ces nombreux bassins qui s'étagent à Nanteuil d'une façon si pittoresque en bordure des murs de l'ancienne abbatiale.
M. F.-A. Rouillon était secondé par son frère cadet, M. Léon Rouillon, copropriétaire de l'abbaye, et surtout par M. Auguste Roy, son gendre. Il mourut en 1926. C'est en 1929 que la «Fédération des Sociétés de pécheurs à la ligne et de pisciculture des départements de l'Ouest» (2) a pris la direction de l'établissement de Nanteuil. «Elle a voulu, nous dit M. André Bine, poursuivre un but tout à fait différent. Elle ne produit que de l'alevin de truite commune - M. Roy faisait surtout de la truite arc-en-ciel destiné, au rempoissonnement des cours d'eau à salmonidés de la région où se trouvent ses sociétés, savoir à la Charente, la Charente-Inférieure, les Deux-Sèvres, la Vendée et la Vienne. Depuis la création à Limoges de la 24e bis Conservation des Eaux et Forêts, dont dépend la Charente et par conséquent Nanteuil, la pisciculture a livré des alevins de truite aux départements de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne.
La pisciculture ne conserve en bassin qu'un très faible nombre de truites adultes, toutes des truites arc-en-ciel, race fine. Cette espèce supporte mieux les chaleurs de l'été, mais ces reproducteurs sont surtout destinés à éviter aux visiteurs la vue de bassins vides.
Pour réaliser son élevage, la Fédération achète à des piscicultures commerciales des œufs de truite embryonnés qui sont mis en incubation. Les alevins sont livrés, au prix de revient, à l'âge de 3 mois environ, aux Administrations des Eaux et Forêts, des Ponts et Chaussées et aux Sociétés régionales, pour être immergés dans les cours d'eau à eau favorable aux salmonidés. Nanteuil traite environ 300.000 œufs. En 1932, nous avions traité 500.000, mais n'ayant pu écouler toute le production - 70 % environ - avant la fin du printemps, nous avons subi une telle perte pendant l'été que nons avons décidé de ne plus dépasser le chiffre de 300.000.»
Notes
(1) Pierre Auberon. Abbaye de Nanteuil-en-Vallée. Notes et souvenirs.
(2) Cette Fédération, dont le Président est M. de Masac, s'est surtout spécialisée jusqu'en 1929, dans la cypriniculture. Elle possède un important établissement de pisciculture, à Rochefort-sur-Mer. pour la production des cyprinidés.
visiter avec le Congrès l'établissement de Nanteuil-la-Vallée. Nous donnons ci-dessous (i) quelques notes dues à l'obligeance de M. André. Bine, dé Jarnac, et de M. Roy, qui habite la délicieuse oasis de Nanteuil.